lundi 12 juillet 2010

Bilan des 6 mois II: A quoi sert le journalisme?

J'annonce tout de suite la couleur: je suis E-N-E-R-V-E-E.
Je me suis ruée sur internet pour voir les échos de la presse internationale sur le bilan des 6 mois d'action humanitaire à Haïti. Déjà, pour commencer, peu de médias en parlent. Si vous tapez « Haïti 6 mois » dans google vous avez tous les bilans et cris d'alarmes des ONGs: MDM, ACTED, Care, PLAN... normal, il faut bien continuer à récolter des fonds. Mais dans les médias (hors ONG), c'est juste du grand n'importe quoi. On trouve du « Haïti, 6 mois après: frustration » (Alterpresse), « Haïti, 6 mois après: encore dans les gravats » (France 24), « Haïti, 6 mois après, les ONG disent leur inquiétude » (le nouvel obs), « Six mois après le séisme, la reconstruction d'Haïti tarde toujours » (Le Point), « Haïti 6 mois après le séisme »: tout reste à reconstruire » (France Info), « six mois après le séisme, de conditions de vie épouvantables » (Courrier international).
Tous s'accordent sur le fait que la reconstruction est trop lente et une inquiétude se fait sentir dans TOUS les articles: « les 10 milliards promis par la communauté internationale vont-ils arriver? ». MAIS BORDEL C EST PAS CA LE PROBLEME!!! Déjà les 10 milliards en question sur la partie qui est arrivée une très grande proportion va aller normalement aux ONG dans une désorganisation la plus totale. Mais ensuite pour le moment ce n'est pas vraiment une question d'argent. L'argent il y en a. C'est ce qu'on en fait qui est critique. Et AUCUN article (si quelqu'un en trouve je veux bien!) ne se demande pourquoi avec tant d'argent déjà mis sur la table on a si peu fait. Personne ne 'interroge sur le fait que si on a bien ces 10 milliard, que va-t-on en faire? Y a-t-il quelqu'un à la barre du paquebot haïtien qui va finir en Titanic??? Personne n'évalue le travail des ONG, de l'ONU et du gouvernement. Ca sert à quoi le journalisme???????? Ca m'énerveeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee!  Le Monde est peut-être celui qui a fait le plus d'effort critique: http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/12/haiti-ou-les-limites-de-la-solidarite-internationale_1386804_3232.html mais bon ça reste flou.  Je suis tellement énervée je tourne en rond, je fulmine, je parle toute seule.
Et à côté de toutes ce conneries la réalité terrain est déprimante. Quelque cas concrets qui se sont déroulés aujourd'hui. Premièrement la question de l'eau potable à Radio Commerce. Vous savez quoi? En fait j'ai rencontré MDM qui m'ont dit que MSF et World Vision avaient fait plusieurs tests et que malgré le fait que l'eau était trop chlorée (aquatabs en force!) elle était potable. On m'a dit que les gens ne voulaient pas la boire car ils pensent qu'elle est la cause de leurs maladies (diarrhées etc.). Selon MDM, c'est surtout attribué à l'insalubrité de leurs récipients pour prendre l'eau et à l'hygiène désastreuse sur le camp: il n'y a par exemple pas un seul toilette. Les gens font leurs besoins dans des sacs en plastiques qu'ils jettent un peu partout. J'ai du répéter plusieurs fois « vous êtes surs qu'il n'y a pas UN SEUL toilette? » pour y croire.
Deuxième baffe dans la gueule: a midi j'ai mangé pour la première fois sur le camp. Riz pois-poulet, comme d'hab (j'aime pas le riz pois). J'ai picoré sans trop d'appétit. A peine j'avais reposé mon plat que 4 gosses m'ont sauté dessus pour se battre pour les grains de riz restants et les petits bouts de chair de poulet que je n'avais pas mangé...horrible. Puis une dame est passée avec un bébé dans les bras en me demandant si je voulais pas l'emmener. C'est pas la première fois qu'on me demande ca et les gens ne le disent pas en blaguant, ce qui rend la situation encore plus atroce. Bref.
Sinon aujourd'hui le sous secrétaire général de l'ONU (en dessous de Ban Ki Moon), John Holmes, est venu dans un camp où nous travaillons. Il y avait beaucoup de monde et surtout énormément de casques bleus. C'est un vieux monsieur anglais qui parle bien le français et qui vous pose des questions en faisant semblant que ça l'interesse (« vous avez beaucoup d'enfants? » « Ah ok »). Je vous mettrai des photos.

5 commentaires:

  1. Coucou Vio!!
    Je continu à lire ton périple... Et je suis toujours autant épatée par tout ce que tu fais!!!
    BRAVO!!! =)
    Quand tu rentres en France tu me fais signe, ce serait vraiment cool qu'on se voit! Et que tu me racontes encore plus ton experience Haitienne!
    Plein de bibi!!!
    Camille

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  2. Sur la question des 10 milliards, c'est quand même intéressant de noter que, dans les articles, ce sont souvent les ONG qui se plaignent de ce retard. Certes, l'argent n'est peut-être pas le problème pour l'instant, mais il le deviendra sans doute à un moment ou à un autre. Alors si les ONG commencent à dire "on a assez d'argent", il y a le risque que les bailleurs laissent tomber l'affaire et utilisent leur argent ailleurs... Il me paraît donc normal que les ONG fassent part de leurs inquiétudes sur ce sujet à la communauté internationale.

    Maintenant, c'est vrai, les ONG ont tout intérêt, pour leur image, à critiquer le retard des bailleurs plutôt qu'à remettre en cause leurs propres méthodes de travail sur le terrain. Et c'est là qu'on en vient à la question du journalisme. Il ne faut pas oublier que les médias français n'ont pas les moyens (sauf exception) d'envoyer une équipe en Haïti pendant deux semaines pour faire de l'investigation dans les coulisses de l'ONU ou des ONG. Du coup, ils débarquent pour deux trois jours (voire écrivent leurs articles depuis Paris) et sont bien obligés de faire avec ce que leur disent leurs interlocuteurs sur place. Et là, forcément, les journalistes n'ont pas le temps de trouver les bons interlocuteurs (toi, par exemple :p) et ils s'en remettent aux "pontes" : les responsables d'ONG, les politiques, qui vont leur présenter une certaine version des choses.

    Le journalisme classique a ses limites, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de blogs comme le tien, avec un point de vue indépendant et "insider". Les médias traditionnels montrent une facette de la réalité (d'accord avec toi sur la pertinence de l'édito du Monde), tu en montres une autre, et c'est par ce recoupement de points de vue qu'on saisit le mieux la situation.

    Donc encore merci pour ton blog et bravo pour ce que tu fais ! Ton billet précédent mettait un peu de baume au coeur, c'est beau de voir que tu crois en ce que tu fais. Bon courage pour tes dernières semaines et bon retour en France, jeune "folle" ! ;)

    bisous

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  3. D'accord avec toi Yann sur le fait que les ONGs disent qu'elles n'ont pas assez de fonds soit normal et légitime, de toute façon si effectivement on voulait reconstruire Haïti de façon bien et sensée on aurait besoin de plus d'argent. Mais lorsqu'il y a eu une réunion pour annoncer qu'une très grosse partie des milliards de la communauté internationale irait probablement aux ONGs c'est les ONGs elles-mêmes qui ont été attérées, parce qu'on va leur demander de gérer des choses qui vont au-delà de leurs compétences.
    C'est dommage et triste de voir que pas un seul média a les moyens de faire un vrai travail journalistique sur place.Même ici il règne un manque d'information abérant. C'est surement parce qu'Haïti n'a plus la priorité dans l'agenda médiatique.

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  4. J'ai suivi les news là-dessus... et en effet, pas grand chose d'autre à part ce que tu écris.Mais comme tu le dis aussi, et c'est plus triste encore, Haïti ne fait plus partie des priorités médiatiques du moment, surtout avec cette fin de Coupe du Monde de foot et cette réforme des retraites qui bat son plein en France.
    Mais la question n'est peut-être pas là : comment se fait-il en effet qu'avec autant d'argent, on met toujours en avant le fait que rien n'a bougé ? C'est à se demander où va vraiment cet argent ? C'est étrange que personne ne s'inquiète de savoir où va l'argent donnée... si on croit ce que tu en dis. Les secours d'urgence ne devraient-ils pas, 6 mois après, laisser place à de la reconstruction (des maisons mais aussi de la société haïtienne en générale), avec les haïtiens...
    Tant de questions, mais tout cela doit être sans doute plus compliqué que ça n'y parait, comme souvent dans ce genre de situations.
    Prends soin de toi Violaine, à très bientôt !

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  5. Max merci de ton commentaire. Il y a quand même des gens qui s'inquiètent de où l'argent va et il n'est pas à 100% dépensé n'importe comment. Mais bon...c'est pas parfait du tout (loin de là!).
    j'espère que tu vas bien, je vous vois à la rentrée sur Lille

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