Aujourd'hui, c'est un jour sans.
Je ne suis qu'une loque, je me sens terriblement inutile, j'ai l'impression d'assister à un spectacle mal orchestré, qui n'a aucun sens. Je cherche le sens. Désespérément. Les gens vont et viennent. Font des reportages. Prennent des photos. Les bailleurs sont contents, ça fait bien de donner à Haïti en ce moment (cf. la liste des entreprises qui ont fait leur BA de l'année: http://www.admical.org/default.asp?contentid=2534). Les ONG jonglent avec les fonds, se lancent dans ce qu'elles ne savent pas faire (hier un humanitaire fustigeait les urgentistes qui veulent faire du développement et ceux du développement qui se lancent dans l'urgence). Le gouvernement haïtien fait des tournées internationales, récemment en France. Sean Penn habite sous tente dans un camp. Les intellectuels réinventent avec frénésie l'Haïti de demain.
MAIS DANS QUEL SENS BORDEL? Ou sont les haïtiens là dedans? Pourquoi tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a beaucoup d'argent, beaucoup beaucoup d'ONG et beaucoup beaucoup beaucoup de choses à faire et que pourtant tout avance si lentement??? Pourquoi il n'y a même pas un dizaine de tractopelles pour dégager les rues encombrées et pourquoi les gravas sont toujours là (réponse possible: quelle acteur du développement est intéressé pour mettre en comm' "a rammassé les gravas"? c'est plus sexy "a ouvert un orphelinat")??? Ce n'est pas la faute aux ONG, ce n'est pas la faute aux bailleurs, peut-être même pas la faute du gouvernement (inexistant). Et pourtant. Je vous jure que je voudrais y croire, je voudrais ne pas être cynique comme ca. Mais là je suis pommée, je suis là sans être là, je regarde Port-au-prince, je vois un arrêt sur image. Rien ne semble évoluer, rien ne semble changer. Oui ca fait juste deux semaines que je suis là. Oui je juge peut-être trop vite. On me dit «oui tout n'est pas parfait dans les ONG mais la tâche est très difficile», «c'est facile de critiquer»... ou la répartie la plus répandue «Certes il y a des lacunes, mais ce serait pire sans l'aide internationale». C'est une affirmation que personne ne dément. Sans MSF, beaucoup plus de morts, sans ACF, une famine, sans Oxfam, un manque d'eau, sans la MINUSTAH, l'insécurité... Aujourd'hui, pour la première fois, je me suis demandée ce que ce serait sans toute cette bande de blancs (moi la première, puisque d'une inefficacité remarquable). Et je ne mettrais pas les deux mains à couper que ce serait pire....
Voilà ou j'en suis. J'en suis moi-même désolée. J'ai 20 ans et d'un coup j'ai l'impression d'en avoir 90, de me dire qu'il n'y a rien a faire, on va dans le mur.
Soit je trouve un sens à ma présence ici vite fait. Soit...je n'en trouve pas. Et je récupère un siège dans l'avion.
je te redis ce que je te dis depuis plusieurs jours, je n'ai pas changé d'idée Ta mamie qui t'aime très fort et est triste de te voir comme cela
RépondreSupprimerCourage!!
RépondreSupprimerJe ne sais pas vraiment quoi dire pour te remonter le moral si ce n'est que je te tire mon chapeau d'être parti là bas et je pense fort à toi.
Je ne sais plus où j'ai entendu parler des fourmis de l'humanitaire et quand on lit tes articles, c'est tellement vrai...
Je te souhaite encore bon courage et j'espère que tu vas trouver ta place là-bas mais j'en doute pas trop! ;-)
Je viens de lire tous tes articles, tous les commentaires. Et une fois de plus, tu me fais trembler. Trembler de respect, de fureur pour les aspects pertinents que tu exposes, et d'espoir par tout l'energie que tu deploies que ce soit aux philippines durant Ondoy ou bien a Haiti. Deux evenements differents mais toujours cette misere, cette lenteur dans les operations de secours, cette desorganiation et cette corruption, meme si l'ampleur des problemes a resoudre a lair detre bien plus grande a Haiti. Pourtant, garde espoir, meme si cela semble etre sans fin. Rappelle toi, notre action. Rappelle toi que l'on esperait presque rien. Rappelle toi que l'on etait que 16 pauvres etudiants sans experience, plein despoir et de naivete et pourtant on a reussi, je pense, quelque chose d'incroyable, d'inimaginable pour ma part. On a aide du mieux que l'on a pu, on a donne de notre temps, de notre energie, de notre sourire, et cela suffit. Comme tu me l'as beaucoup repete, l'important c'etait de montrer que lon etait la, que les victimes n'etaient pas oublies, que l'on offrait de notre presence, meme si elle semblait parfois voyeuse. Mais on a tenu, jusquau bout.
RépondreSupprimerAlors, je pense que ta mission dans le secteur psycho-social est peut etre le plus interessant dans ce point de vue: de redonner un sourire, de redonner un peu de joie, de faire reflechir a dautre choses et de montrer que vous netes pas la que pour donner des sacs de riz, pour faire des photos et des videos et pour faire venir des acteurs americains. Ces points la sont importants, voire tres importants quant on en vient a la nourriture et a la sante mais le tiens lest aussi, dans le soutien morale des victimes.
Alors accroche toi, repose toi sur lexperience de la psycho-sociologue qui travaille avec toi, donne des idees et de ton energie comme tu as su toujours tres bien le faire. Et tu verras que tu sera surement heureuse et soulagee davoir participer a ta maniere et meme de maniere parallele aux "classiques actions de secours humanitaires".
J'espere que ca te donnera un peu d'espoir, un peu d'energie pour continuer. Et encore une fois, repense a tous ces sourires qu'on a pu croiser a Tatalon.
Je t'embrasse tres fort, Je pense a toi, tiens bon,
Edern
Merci Viovio de nous ramener à la réalité, la vraie, réalité qui nous échappe depuis notre bonne vieille france bien douillette...
RépondreSupprimerQue d'admiration pour ce que tu sais affronter, pour tes coups de gueules chargés de sens (de bon sens) et pour tes analyses effrayantes de justesse et de sincérité...
Protèges toi bien du mauvais, prends tout le bon et reviens nous vite plus riche encore d'humanité que tu ne l'es déjà.
On t'embrasse très très fort.
Fanny et Benoit
Tes photos sont très belles, merci de les partager Bisous
RépondreSupprimer