lundi 28 juin 2010

République Dominicaine

Vendredi dernier j'ai enfin pu décoller (après deux tentatives ratées) dans un petit avion (12 places) de l'ONU direction Saint Domingue avec Manon. Arrivées là-bas, on est comme des gamines surexcitées: c'est propre, il y a de vraies routes, pas de poussière partout, des restos, de quoi faire du shopping...c'est l'euphorie. J'arrive pas vraiment à expliquer mais c'est vraiment passer d'un autre monde à un autre, c'est comme un joli rêve. Je ne vis pas un enfer à Port-au-Prince, mes conditions de logement sont excellentes, mais ca reste une ville très dure à vivre, la preuve, je ne connais aucun humanitaire qui veut prolonger son contrat, tout le monde attend la fin de l'échéance avec un petit « ouf ». Je pense que c'est un très beau pays mais dans les conditions actuelles ce ne sont que des images de désespoir que l'on peut voir quand on parcourre la ville. Et je vous jure que ca fait du bien, même l'instant d'un week-end, de s'en éloigner, de se sentir bien. Après avoir flanné dans la « zona coloniale » de Saint-Domingue on s'est dirigées en direction de la plage touristique la plus proche, « Boca Chica ». C'est la première fois que je me rend dans un pays hispanophone, et ne parlant pas un seul mot d'espagnol, j'ai vraiment galéré. Mais bon j'ai pris « espagnol niveau 0 » l'année prochaine! La plage de Boca Chica est faite de sable blanc et d'eau turquoise. Tout est surfait (rien à voir avec les petites plages typiques et abandonnées des Philippines), et comme c'était la saison basse il y avait limite plus de vendeurs, masseuses etc. que de touristes (pas top pour se reposer). Mais c'était juste parfait pour nous aérer l'esprit.

Je me suis faite tresser la tête et j'ai bien bronzée, je me suis rapprochée du style « dominicaine » (mais d'après les haïtiens je suis trop maigre, ici on aime les femmes avec beaucoup de formes). Il y a énormément d'haïtiens qui travaillent en République Dominicaine car leurs salaires sont sans possible comparaison et la vie est plus facile. Le tourisme rapporte beaucoup d'argent à qui sait s'y prendre.
Ce qui est surprenant c'est qu'au-delà des ignobles couples vieux blanc/maginifique dominicaine (comme aux Philippines), on trouve aussi de vieilles blanches avec des dominicains (on comprend pourquoi^^). La prostitution semble vraiment marcher dans les deux sens (mon petit côté féministe me fait dire que c'est un moindre mal que ces choses se fassent dans les deux sens).
Ce matin, retour à Port-au-prince (toujours dans le petit avion qui m'a fait de belles frayeurs) reposée et remontée à bloc pour le mois à venir. J'aime pas trop l'image des humanitaires qui vont se prendre des vacances à prix d'or à se faire dorer la pillule sur la plage, et j'aime encore moins en avoir fait partie mais il faut avouer que si on ne veut pas finir en dépression totale, il faut prendre le temps de quitter Port-au-prince.

mercredi 23 juin 2010

Déferlante brésilienne


Tandis que les français évitent à tout prix de prononcer le mot « football » ou encore « coupe du monde », à Port-au-prince on ne parle que du Brésil. Je suis assez impressionée de voir à quel point les haïtiens soutiennent une nation qui n'est pas la leur. Les maillots du Brésil se vendent à tous les coins de rue, les avenues principales sont surplombées par des guirlandes de bouteilles en plastiques peintes et jaune et vert Quand le Brésil marque un but les klaxons et hurlements retentissent dans les camps (ou certaines grandes marques ont installé des écrans géants), dans les bureaux, dans les bars, dans la rue...L'animateur avec lequel je travaille, Julien, a même changé son fond d'écran de portable: il est passé de Jésus christ à un joueur brésilien...(la photo à gauche vient d'un journal en ligne haïtien)
Bon, sinon, pour ma petite vie ici, ça va. Ma santé s'est rétablie, l'organisation interne dans l'ONG s'est améliorée avec l'arrivée de renforts et je pars en République Dominicaine ce week-end (si tout se passe bien cette fois...). Je suis seulement un peu déçue car l'UNICEF ne se proncera pas sur le dossier que j'ai monté avec Julien avant un mois...juste quand je pars. Je ne pourrai pas le voir mis en oeuvre. J'aide donc sur un projet d'animation dans des camps à Cité Soleil (la zone la plus dangereuse de PAP) qui commence lundi. C'est les animateurs que j'avais contribué à former donc je les connais c'est cool. Je vais pas trop souvent aller sur le terrain à cause des problèmes de sécurité. Les séances de cinéma se poursuivent, hier on a projeté Kirikou et les bêtes sauvages (le deuxième volet) ,encore sous la pluie, mais on a persévéré!

dimanche 20 juin 2010

Un coup de gueule (et il n'est pas de moi!)

Oui je suis penseur... et agacé par la tournure que prennent les événements ici, et pas seulement sur la question du gaz ! On est en train de mettre en oeuvre tout ce qu'on pouvait craindre de pire, et le pays sortira à peine renforcé de ce qui devait être une chance historique. La mise en oeuvre du plan d'action risque bel et bien de ressembler à une mise en scène cynique et arrogante pour ce peuple qui n'en peut plus. La moitié de l'aide internationale pour la première phase de 18 mois devrait transiter par les ONG, ça nous a été annoncé avant-hier par le responsable du fonds en personne. Quel délire !! Où sera la cohésion entre les acteurs ? Quelle place sera donnée aux haïtiens ? Quelle voix aura le gouvernement ? Quel pourcentage de l'aide bénéficiera in fine aux populations locales ?

Sur les 10 milliards d'aides votées, faisons le pari que 70% au moins partira dans des entreprises occidentales, des salaires d'expat et d'experts, des loyers haut de gamme et des véhicules 4X4...

Le peuple crève à la fois de faim et de notre incapacité à agir intelligemment. Nous étions à Camp Corail hier pour une réunion de planification de nos actions économiques dans ce camp. Il faut imaginer le décor : 1 300 tentes alignées les unes derrière les autres sur un parterre de rocaille au pied fe montagnes dépouillées de tout arbre, des latrines au milieu de tout ça comme seul élément de diversion, une chaleur étouffante bien sur.... 3 fois le coordinateur du camp, un sage américain, qui eut été à la retraite depuis 5 ans au moins s'il était français, a été appelé au secours : les gens du camp n'ont plus rien à manger et se tapent dessus à se blesser grièvement. Il en a vu d'autre, mais là, il n'en peut plus. Rarement je n'ai lu une telle détresse dans les yeux de quelqu'un. J'espère que d'ici un mois, nous y appuierons les premières micro-entreprises, c'est celà dont Haïti a besoin.

Ce matin, Cité Soleil, cette fameuse Cité interdite, simili humains errant sans laisse... Repère de brigands en tous genres... Personne n'y entre, si ce n'est la Minustah pour aller à la pêche aux évadés.... .. Bien sur que beaucoup de ceux qui nous sont tombés dessus ont des choses à se reprocher. Rien qu'entre eux, tout marche au règlement de comptes... est-ce une raison pour ne rien faire dans ce quartier ? Certes, quand on agira dans ce quartier au delà des activités de microcrédit que nous menons déjà, la probabilité d'avoir des ennuis est forte. Et au moindre accroc, on nous traitera d'inconscients... est-ce une raison pour laisser mariner 300 000 personnes dans cet incubateur de misère ?

Le gaz : vous et vos excellentes raisons de ne plus vouloir de ces mini-centres, Sodigaz et ses pistons au plus haut niveau de l'Etat pour pérenniser un système auquel vous ne croyez pas, mais qui l'emportera sur vous si un choix devait être fait entre les deux modes de distribution, parce que "Blan nan tribinal, se ravet cont poul" (un blanc au tribunal, c'est un cafard contre une poule). Que fait-on ? Chacun campe sur ses positions et ce ne sera guère que la nième fois qu'Haïti passe à côté de l'enjeu à mes yeux pratiquement le plus déterminant pour l'avenir du pays ? Ou chacun de vous fait des concessions sans forcément se renier pour aboutir à ce compromis qui permettrait à Total et Sodigaz de ne parler que d'une seule voix et augmenterait les chances de voir ce fameux texte de loi sortir enfin ?

J'entends tout ce que tu dis sur les contraintes d'une distribution par minicentre, mais ces contraintes sont-elles vraiment insurmontables ? Si ta réponse est catégorique et oui à 100 %, alors ça va être difficile effectivement. Si par contre tu penses que c'est insurmontable à 95%, alors jouons à fond ces 5% ! C'est un devoir ! Et compte sur nous pour jouer un rôle de conciliateur s'il le faut !!

Et en attendant, équipons ce camp Corail en GPL sur un mode de distribution classique, avoir une vitrine grandeur nature ne fera que mieux vous servir pour la suite ! C'est 1 300 bouteilles à court terme, 5 000 à moyen terme, et sans doute plusieurs dizaines de mini-distributeurs avec une source de revenus... On s'occupe de tout sur place, vous n'avez qu'à mettre à disposition ces bouteilles à proximité...

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, donc ils le firent". Nous non plus.

mercredi 16 juin 2010

Ca n'arrive pas qu'aux autres.

Si j'ai du mal à écrire ce post, c'est aussi parce que j'ai du mal à réaliser ce qu'il s'est passé.
Notre admin (ma colloc) a pris un taxi ce matin pour se rendre au bureau car elle n'avait pas pu partir avec nous en voiture elle avait des choses à finir à la maison.Elle prend un taxi, indique son chemin puis le taxi s'engage dans d'autres rues. Deux hommes sont à l'avant. Elle objecte. Le passager sort une arme à feu et lui demande de se taire. Plus loin dans le bas de la ville ils la font descendre, la menacent de la violer et de la tuer. Elle tente une discussion, comme quoi la tuer n'attiserait que leurs ennuis. Finalement ils la laissent partir en courant et emportent avec eux toutes ses affaires, son sac avec ordi, ses papiers, les sous et toutes les pièces comptables de tous les projets qu'elle devait emmener au bureau. Apparemment ils auraient retrouvé son ordinateur mais pour le moment j'en sais pas plus.
Je critique depuis le début ces ONG qui ont des règles de sécurité R-I-D-I-C-U-L-E-S mais je vous ai aussi dit que la mienne était dans l'autre extrême. Aucun extrême n'est bon, en voici la preuve. Quand j'y repense, oui le taxi ca craint, c'est pas des voitures identifiées, elles ont juste un ruban rouge, chacun peut s'improviser chauffeur de taxi. Et leurs voitures sont vraiment cabossées, sans vitres et les portes ferment à peine. Mais ce qui me fait froid dans le dos c'est qu'hier j'ai pris 3 taxis. Seule. Et que ca ne m'a pas dérangée un seul instant.
On va installer de nouvelles règles sécu, comme toutes les ONG qui ont des ennuis de ce genre. Donc plus de taxi. Je ne me suis jamais sentie vraiment en insécurité (sauf un peu quand on n'avait pas de gardien), je ne vis pas dans un traumatisme constant mais j'avoue que là ça me fait réfléchir et je me dis « et si c'était moi? »

lundi 14 juin 2010

"Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien." Voltaire


En sortant de notre super journée de vendredi dernier, j'ai dit à Manon en blaguant « le destin veut vraiment pas qu'on aille en Republique Dominicaine ». Effectivement quelque chose de bien plus sympathique m'était réservé.
Vendredi soir je suis pliée de douleur, des crampes au ventre à plus savoir quoi faire. Samedi mes collocs, inquiets, appellent un médecin de chez MDM qui m'envoie faire des analyses. Dimanche, toujours clouée au lit en me tortillant sur place (super quand il fait une chaleur impossible et qu'on a pas de ventilo!), la médecin de MDM (on dit « la »?) vient me voir, elle est en colère, c'est son jour de repos et elle est débordée, elle n'a pas de temps pour moi. Je me sens coupable de la faire déplacer. Ici, quand t'es malade, t'embête tout le monde et en plus d'être mal t'as un sentiment de culpabilité qui ne te lâche pas. Elle me diagnostique une « infection urinaire qui est montée dans les reins » (quel programme!), me donne des antibios et me dit d'aller voir un spécialiste pour faire plus d'analyses car ca pourrait être plus grave (parce qu'il y a des protéines dans mes analyses là où il devrait pas y en avoir). Le problème c'est qu'elle n'a pas laissé le nom de ce docteur et qu'on n'a pas osé la rappeler tellement elle était en colère. Du coup ce matin j'ai attéri chez un médecin haïtien dans une clinique assez classe. La médecin était complètement surexcitée, parlait très vite, m'a gardée en tout et pout tout 10 min (elle m'a appuyé un grand coup sur le ventre, j'ai hurlé elle a dit « ah oui ca fait mal » et c'est tout), ça m'a coûté 40 euros et elle m'a renvoyé faire des analyses (résultat des courses: j'ai un bleu dans chaque bras et j'ai encore eu le droit de pisser dans un pot :-S). Bref, tout ça pour dire qu'il vaut mieux pas tomber malade ici! Si mes résultats d'analyses ne sont pas bons je vais devoir aller voir un néphrologue (ou un truc du genre), avec un peu de chance je vais même peut-être finir dans un hopital en République dominicaine^^.
Bon assez raconté mes petits malheurs insignifiants. J'ai quand même pu finir de travailler le budget UNICEF avec le boss, et j'ai envoyé le dossier complet, il n'y a plus qu'à attendre et à croiser les doigts (m'enfin c'est un projet à 140 000 euros je suis pas sure qu'ils signent ça aussi facilement).
Hier on avait invité le Haut responsable de la sécurité MINUSTAH (ou quelque chose dans le genre) à diner, notre directeur avait cuisiné des tomates farcies sans farce (on reçoit l'ambassadeur le 21 juin, on va trouver un cuisinier peut-être...). J'avais pris pleins de médicaments donc j'étais un peu réveillée, et la conversation était intéressante. Encore un qui a un regard très dur sur l'ONU et ses 10 milliards de dollars dont plus de la moitié (voir les ¾!) partent en fais d'administration et de salaires ENORMES des expat's. Et qui s'insurge sur le fait qu'aucun média (sauf apparemment une émission de zone interdite sur M6 il y a deux mois) ne critique l'action des Nations Unies. Bref je vous écrirai un article pour faire un état des choses une prochaine fois!

vendredi 11 juin 2010

Le jour où j'ai failli aller en République Dominicaine

Comme je vous le disais dans le post d'hier, on nous avait appelées pour annuler le vol de notre voyage en République Dominicaine (voyage qu'on avait au passage prévu depuis presqu un mois et qu'on attendait avec impatience). Ce matin à 8h Manon (l'admin.) ouvre ces mails et voilà ce qu'elle trouve : «  veuillez être à la log base à 7h45 pour votre vol ». En fait c'était une erreur de on-sait-pas-qui, on était bien enregistrées et on avait bien notre vol. La dame nous dit qu'il reste deux vols dans la journée et qu'on peut être sur liste d'attente, si deux des 12 passagers ne viennent pas on peut monter. On se rend donc là-bas en vitesse. Je vous ai mis une petite photo pour que vous puissiez vous moquer de moi^^ Oui je me suis bien trimballée toute la journée à l'ONU en pure touriste. Le second vol de la journée est complet, tant pis, on a de l'espoir pour celui de 15h30. On va manger à la cafétéria de la log base où tout est excessivement cher mais on trouve des frites et des hamburgers (et où les gens sont captivés par le foot). On mange à côté du directeur sécurité du FMI. On l'avait déjà rencontré une fois au supermarché il m'avait énervée car il faisait faire les courses à son chauffeur comme si il ne pouvait pas les faire lui-même. A table, il a commencé à avoir des propos très durs sur les délinquants en Haïti. Puis en apprenant qu'on avait le droit de conduire et que notre gardien n'était pas armé (on lui a pas dit qu'on en avait un que depuis une semaine) il a dit « mais c'est des criminels votre ONG, vous allez vous faire violer et après vous viendrez pleurer ». Et il s'empresse d'ajouter à mon égard « pour le salaire ridicule que tu gagnes (400 euros par mois), tu veux vraiment foutre ta vie en l'air comme ca? ». J'ai avalé mes frites, j'avais envie de l'étrangler. J'allais exploser quand une petite voix dans ma tête m'a dit que je fait partie d'une ONG que donc je représente, je ne peux pas me permettre ce que je veux. Je ne veux pas vous faire croire que tout n'est que cliché mais bon....un gros, vieux, qui a pris deux énormmmessss plats pour en laisser les ¾, qui vit à Philadelphie parce que c'est « in », qui est marié à une thaïlandaise (j'ai pas demandé l'âge...), qui parle d'Haïti comme si il y avait toujours vécu, et quand vous lui demandez un endroit sympa pour aller en week-end il vous répond « ah il y a un hôtel pas trop cher à 110 $ la nuit »....moi ça m'énerve. Petite parenthèse sur les salaires de ces messieurs: 6000 euros....par semaine est un salaire convenable à l'ONU.... (c'est celui que deux personnes consultantes pour l'ONU m'ont dit mais ce n'est pas celui des directeurs et tout le tralala...je préfère ne pas imaginer! J'ai avalé mon hamburger ric-rac pour ne plus l'entendre parler du bourbier haïtien qu'il faut mater. On est donc allées attendre le dernier avion, on avait des chances car ils ont même enregistré nos numéros de passeports. Puis à 4h, ils nous disent que ce n'est finalement pas possible. Je ne vais pas me plaindre parce que ca fait réaction de petite bourgeoise mais bon....avoir passé la journée à attendre pour rien...Pour finir la journée je voulais aller visiter un prototype de maison de la croix rouge internationale car on m'y avait invitée. Mais notre chauffeur s'est trompé de chemin et on a passé des heures dans les bouchons. Bref.
Hier, une fille qui est arrivée pour 1 an à EDM me demandait « Tu n'as pas envie de rester plus que 3 mois, ca fait court non? ». J'ai hésité à lui dire la vérité car elle venait d'arriver la pauvre. Je lui ai finalement dit que je partais dans 34 jours et que ca m'allait très bien. Je ne lui ai pas ajouté que la chose qui me fait sourire le matin (et mon moment préféré) c'est de prendre mon cachet de Nivaquine (anti-palud) car chaque jour c'est un cachet de moins et quand je finis une plaquette ca me met de bonne humeur pour la journée. Paradoxalement, je ne regrette pas ne seconde d'être venue ici, si c'était à refaire je le referai, j'apprends beaucoup. Mais je me sens très seule. Heureusement tous les jours je lis les emails qu'on m'envoie et c'est un gros rayon de soleil!

jeudi 10 juin 2010

Soupe à la grimace!


La séance cinéma « spécial rire » a enfin pu avoir lieu, sous un beau ciel étoilé.
Tom et Jerry a eu un succès fou, et ce qui m'a surprise c'est que les adultes étaient complètement passionés et surexcités en regardant ça. J'appréhendais un peu plus Charlot car ils ne connaissaient pas puis quand ils ont vu le vieux truc en noir et blanc ça a sifflé mais finalement les enfants ont bien accroché. Les diapos des grimaces (que je vous met ici, enfin une partie du moins) ont déchaîné les gens. Bref, une bonne soirée de passée.
Je suis très déçue car je devais partir avec l'admin. en République Dominicaine demain matin avec le vol de la MINUSTAH mais ils nous ont appelé aujourd'hui pour dire qu'ils annulaient car il y avait une évacuation de militaires du coup l'avion est plein. Ca faisait longtemps que j'attendais ce week-end! Tant pis. On a plein de nouveaux venus (4! et lundi deux de plus) et du coup j'ai récolté le Monde, Elle, the economist, marie-claire...tout ce que j'aime quoi! Il y aussi plein de chocolat.
Hier la réunion « shelter cluster » c'était à gerber, c'est que des blancs, tout se fait en anglais (la personne avec qui j'étais s'est énervée car elle ne parle pas anglais et on est dans un pays francophone), puis c'était de la masturbation intellectuelle (désolée de l'expression), c'est comment refaire le monde sans rien faire de concret, comment se prendre la tête sur des trucs stupides. Chacun défend son petit machin. Comme par exemple Handicap International qui s'insurge que les maisons contruites sont pas aux normes handicapées....bon....ok. Je comprends que ce soit important mais dans l'urgence actuelle et vu le nombre de fauteuils roulant à PAP c'est peut-être pas le sujet number one. Bon, enfin bref, c'était assez ridicule comme réunion avec tous ces (gros) blancs qui parlent l'anglais en machant leurchewing-gum bien fort (non ce n'est pas qu'un cliché). Mais au moins maintenant je suis (oui MOI :-D) sur la mailing list du cluster logement (cluster= regroupement pour un volet) et ce matin par exemple une ONG proposait des moustiquaires et des boîtes d'outils aux membres de la mailing list. Moi je prend tout ce qu'on propose^^

mardi 8 juin 2010

Dix "bizarreries" de Port-au-Prince

Je vous parle de l'humanitaire, de ses joies mais surtout de ses déboires. Je vous parle de mon moral, de ma petite vie. Je vous parle de l'ONU, du projet UNICEF, du cinéma en plein air...Mais je ne vous parle pas vraiment de Port-au-prince (outre que c'est un tas de gravas géant). Donc, pour me rattraper, je vais faire un post sur les originalités (bizarreries?) de cette ville:
1)La plupart des feux rouges marchent au solaire. Donc quand il pleut...tout est permis!
2)A partir de midi, quand on croise les gens il faut dire « bonsoir »
3)Les taxi n'ont pas, comme dans tous les autres pays, d'écriteau avec marqué « taxi ». C'est des petites voitures complètement miteuses avec un ruban rouge accroché à l'intérieur, il faut savoir les repérer (cf photo).
4)Les poubelles n'existent pas (bon ca c'est commun à pas mal de pays vous me direz)
5)La spécialité, qu'on nous sert tous les midis, c'est le « riz pois ». Un riz pâteux avec des haricots rouges (après un mois de mal au ventre après chaque déjeune, je m'emmène mes plats le midi... )
6)Les enfants portent tous un uniforme d'école et des trucs très kitchs dans les cheveux (en bleu, rouge, blanc...toutes les variantes de couleur).
7)En parlant de kitch, le record philippin est battu pour les jeepneys (ici appelée « tap-tap»). Vous en jugerez par vous-même d'après les photos!
8)Il ne faut pas demander de glace à la coco (ou du lait de coco, ou même une coco). « Coco » étant l'organe de reproduction féminin, la serveuse prendra un air outré.
9)Lady Gaga? Black Eyed Peas? Personne ne connaît. Ici les stars c'est Cabrel, Aznavour et Salvador. Et ce n'est pas une blague (je vous le dit car j'ai commencé à mettre « I gotta feeling » au bureau et on m'a dit « tu n'as pas de la bonne musique, comme « Je l'aime à mourir? » »). Je leur ai mis « on ira tous au paradis » de Polnareff, ils ne connaissaient pas mais m'ont dit que c'était top. Radio « Nostalgie »? Vous avez un marché à ouvrir en Haïti!
10)Les gens vous appellent « Blanc », ils crient ça à l'autre bout de la rue pour vous interpeler. Mais ne vous avisez pas de répondre « oui, Noir? »
Et j'en passe!
Sinon on a des nouveaux venus cette semaine. Demain le directeur d'EDM arrive pour deux semaines ainsi que deux expat's pour travailler sur le développement du gaz pour remplacer le charbon (et d'autres choses comme la spiruline, l'énergie solaire etc.). Aujourd'hui un administrateur général est arrivé avec des TONNES de fromages, des produits à moustiques, des magazines... :-D
La semaine prochaine le coordinateur général arrive. C'est bien joli tout ca mais on a une voiture pour tout le monde, une connexion internet et tout le monde n'aura pas de lit...(mais moi je garde le mien y'a pas moyen!!!). Ca va être un peu spécial comme ambiance parce que c'est des personnalités fortes qui ne s'entendent pas spécialement. Bon puis je me sens encore plus gamine car personne a moins de 30 ans mais bon. Ils m'appellent la « teenage » ou la « p'tiote ». C'est pas grave, je mange mon Nutella à 10 euros le pot (oui oui c'est bien ce prix là), j'écoute Lady Gaga, je dévore Marie-Claire et je regarde « How I met your mother » avant de dormir. J'assume!
Demain je vais au « shelter cluster » un regroupement de toutes les ONG concernées par le logement. Oui, j'ai été mauvaise langue quand je disais qu'il n'y avait pas de coordination générale. En fait il y a un site internet « One Response » (allez voir) avec tous les volets et des réunions pour chaque partie. On devait avoir une architecte pour s'occuper des logements à construire mais elle nous a lâché 6 jours avant d'arriver. Donc bon j'y vais pour prendre des renseignements (puis il faut toujours que je trouve une âme charitable pour nous offrir 50 tentes car nos staffs dorment sous des bâches pour la grande majorité). Bon ce site « one response » peut paraître génial, idéal etc. mais ca n'empêche pas chaque ONG d'en faire qu'à sa tête et beaucoup de gens se plaignent de cette tendance à la « réunionite ». Je vous dirai!
Sinon en ce moment j'ai TROP le blues des Philippines, les Sciences Po de la promo suivante qui vont à Manille sont partis aujourd'hui, j'ai eu un gros coup de Nostalgie, je me suis sentie aigrie et jalouse de me dire « ils vont vivre l'une des plus belles années de leur vie et toi elle est derrière toi » (mais j'ai bien dit « une des plus belles »....il y en aura plein d'autres hein!). Je leur souhaite une belle aventure, et d'aimer ce pays comme je l'ai aimé. Ignat!

samedi 5 juin 2010

Fet pour Ti Moun (fête pour les enfants)


Hier la séance de cinéma n'a pas pu avoir lieu car il y a eu des rafales de vent et on a du tout remballer. J'étais déçue mais le technicien a laissé les baffes pour la musique et le micro. Plein de jeunes ont débarqué et ont fait du slam, c'était très sympa.
Cet après-midi se déroulait la grande fête de clôture du programme Cash For Work (assainissement animation) à Carrefour-Feuilles, projet porté par EDM et financé par le PNUD. On nous avait dit que ça commençait à 14h mais bon...heure haïtienne ça a finalement commencé à 16h30... Du coup les représentants du PNUD n'ont pas vu grand chose car ils devaient partir à 17h. Mais c'était vraiment super: théâtre, danse, chant, tambour. Les enfants étaient très contents et il y avait beaucoup de monde. Mon moment préféré? Le défilé et la danse des mamies!
Ils ont appelé Manon, nos animateurs EDM et moi sur scène, j'avais honte car je ne suis toujours pas capable de parler créole. J'étais un peu impressionnée car comme vous pouvez le voir sur la photo il y avait du monde (oui je suis sur scène et je prends quand même une photo!).



La musique est toujours très entraînante, le Kompa est la musique star d'Haïti, avec son style « caliente » et sa bonne humeur. En ce moment j'ai toujours cette chanson de loveur qui passe à la radio: http://www.youtube.com/watch?v=0W70ZWsyHo8&feature=related
Je vais l'apprendre pour éviter de chanter en yaourt!
J'ai presque terminé le dossier de demande de fonds UNICEF, le président d'EDM m'a dit qu'elle était bien, ca m'a fait plaisir parce que je l'ai faite avec amour!
Mon moral n'est pas pour autant très bon mais je prends sur moi. Il y a des renforts qui arrivent la semaine prochaine et on aura bientôt un coordinateur général, ceci devrait permettre une meilleure organisation.

mercredi 2 juin 2010

Non, tout ne va pas "bien".

J'annonce tout de suite la couleur, j'ai un peu (beaucoup) bu donc ce post risque d'être cahotique.
Cela fait une semaine que je n'ai pas écrit. J'ai reçu des mails disant « on dirait que tout va mieux » car mes derniers posts étaient optimistes. Je tiens à dire quelque chose: tout va pire. Si je n'ai pas écrit c'est que mon moral est descendu tellement bas que je n'avait même plus la force de raconter, que les dysfonctionnements sont tellement grands que même dans mes mails quotidiens à ma famille je n'ai pu les raconter. L'administratrice expat est malade. Elle va surement partir bientôt. Donc pour résumer il ne reste que le directeur du programme microfinance et moi sur le programme post-urgence en terme d'expat. Or, ici, le blanc est perçu (et c'est souvent le cas en vrai) comme celui qui dirige. Donc au bureau on vient me demander tout et n'importe quoi, et je ne peux PAS gérer (pour faire une anecdote, aujourd'hui il n'y avait plus de PQ dans les toilettes et c'est moi qui ai dut gérer cette "crise". c'est ca à longueur de journée). Aujourd'hui j'ai frolé la crise de nerfs. Ceux qui me connaissent bien savent que je reste calme jusqu'à un moment où je vais péter complètement les plombs de façon insensée et soudaine. Et bien c'est arrivée ce soir. Je ne vais pas vous décrire les dysfonctionnements internes dramatiques qu'on subit mais en gros on est sous pression face à un paiement de 1170 personnes dans le quartier le plus chaud de Port au Prince pour lequel on a bientôt une semaine de retard faute d'organisation (et une semaine de retard pour des gars qui ont l'arme facile...). Je ne suis pas sur ce programme mais l'admin étant au lit et personne pour la remplacer j'ai fait de mon mieux. Seulement c'est aujourd'hui que j'ai compris le conseil que la psy m'avait donné avant de partir en dépression « si tu veux tenir, occupe toi de tes affaires, et seulement de tes affaires ». Je ne peux PAS gérer ca, je ne suis pas qualifiée pour ça, et le gouffre est si grand qu'à 100 on le résoudrai pas. Voilà. Il m'a fallu en arriver là pour comprendre. J'ai explosé ce soir. J'ai eu envie de hurler, de frapper, de pleurer et de monter dans l'avion. Au final j'ai juste gueulé. Fort. Très fort. Puis je m'en suis voulue. Puis voilà. Ce soir on avait invité nos voisins Médecins Du Monde. Autant vous dire que si j'ai pu vous en raconter des belles sur MSF, autant nos voisins MDM sont géniaux. Ca m'a calmée, apaisée, de voir des gens, de discuter. Je reste uniquement pour ma demande UNICEF, à laquelle je tiens énormément. On a travaillé comme des dingues avec l'animateur haïtien, c'est un beau projet, on partait dans nos délire. On veut mettre en place un journal local fait par des enfants, des formations pour les jeunes (ébénisterie, couture, artisanat, éléctricité) , des activités pour le 3-6 ans, du théâtre pour les ados, du chant, de la danse, du solfège... c'est un projet énorme, mais l'enjeu est de taille. S'il n'y avait pas ca et mon cinéma je ne serais plus là. En parlant de cinéma on a programmé une séance « rire » qui aura lieu ce vendredi. J'ai pris des tonnes de photos d'enfants faisant la grimace (vous aurez le droit à une avant-première), et j'ai milité pour passer un tom-tom et nana (entre un tom et jerry; un charlot et un popeye) :-D.
J'ai aussi eu peur. Et j'ai toujours peur. Que ca fasse rire beaucoup de monde ici je m'en FOUS. Voilà on s'est fait braquer une voiture devant chez nous. Batterie et radio volées, vitre cassée. On n'a pas de gardien et le portail est ridicule. Ma chambre n'a pas de vitre, seulement une moustiquaire et je n'ai pas de porte, juste un rideau. Et entre la porte d'entrée et mon rideau il y a 2 mètres. Les deux autres dorment à l'étage. Donc, j'avais peur. J'ai pas dormi de la nuit et on m'a dit « mais ca arrive en France aussi des braquages de voiture » Oui mais si ca m'arrive en France je serai pas rassurée non plus. Ce soir MDM ils sont venus chez nous avec des talkies walkies (ils habitent à 20 mètres) et ils avaient pas le droit de faire les 20 mètres pour rentrer chez eux seuls. Ils doivent informer leurs gardes par talkies de TOUS leurs déplacements et ils ont plus de 5 gardiens. Voilà. Il y a deux extrêmes. Et j'ai pas honte de dire que j'ai eu peur. J'ai fait tellement de pressions qu'on a eu un gardien hier. Mais ce soir, personne à nouveau. 
Ce post pour dire que non, tout n'est pas rose. Et que non, je ne suis pas sure de rester jusqu'au 24 juillet (je compte les jours qui me séparent de cette libération) et que non je ne veux pas abandonner lachement le programme que j'ai commencé à mener donc que oui, je vais me reprendre en main. Les haïtiens sont géniaux mais l'humanitaire c'est pas génial. Il faut accepter tellement de choses humainement pas acceptables pour tenir bon ici. Si vous saviez. Je vais suivre le conseil de la psy. Occupe toi de tes programmes. Tant pis si le reste ressemble à Titanic. A partir de maintenant je les regarde couler. Paisiblement. Oui c'est pitoyable. Bienvenue dans l'humanitaire!