mercredi 8 septembre 2010

Quand l'UNICEF dit (enfin!) oui...

Je viens d'apprendre que l'UNICEF a donné une réponse favorable à la demande de fond pour un projet que Julien et moi avions monté pour les activités à Carrefour feuilles. Ce projet, estimé à 143 000 $, permettra de mettre en place des activités pour les enfants (danse chant tambour artisanat, écriture d'un journal de quartier, sport, flute...), des formations pour les 16-22 ans (ébenisterie, électricité, artisanat) ainsi qu'un volet prévention santé. Ca va permettre à Carrefour feuilles de continuer à vivre au rythme des tambours et du sourire de ses jeunes.
C'est une (TRESSSSSSSS) bonne nouvelle!
Sinon pour vous donner quelques nouvelles Johnson l'animateur avec lequel je travaillais a organisé un grand spectacle des enfants de cité soleil qui a été une réussite et qui est le fruit d'un long travail. Un blog a été mis en place (je vous invite à la consulter): http://haiti-entrepreneursdumonde.blogspot.com/

dimanche 25 juillet 2010

Les vidéos (ah cette chère connexion parisienne!)

Ca fait une semaine que j'essaie de vous mettre en ligne des vidéos et une fois à Paris c'est fait en 5 min...(la qualité youtube est pourrie m'enfin!).
La petite vidéo du chant des enfants....

...etla vidéo de cloture que j'ai faite du projet "Sinema Espwa" (qui sera projeté la ssemaine prochaine, on n'a pas pu le faire avant à cause du temps)

samedi 24 juillet 2010

Départ le coeur gros

Je ne sais pas par où commencer. Tout se bouscule dans ma tête. Pour vous dire vrai, si proche de mon départ, je suis complètement perdue. Je le dis depuis le début, je suis contente de rentrer. Mais des sentiments contradictoires me tiraillent. Je vais avoir énormément de mal à quitter ce pays, à retourner à mes études (après plus d'un an de glandouille) et surtout, je n'arrive plus à me rappeler pourquoi j'ai choisi un master en maths et éco alors que je n'aime pas franchement ni l'un ni l'autre et que je n'ai pas du tout le niveau requis (et j'ai manqué les cours de mise à niveau puisqu'ils étaient en juin).
Mais surtout, j'ai beaucoup changé. Voyez vous, quand je suis arrivée, je me suis tout de suite dit « l'humanitaire sur le terrain, plus jamais ». Et maintenant je réfléchis à mon prochain départ en mission. Il m'a fallu du temps pour me sentir à ma place dans ce monde humanitaire, dans cette ville dévastée, dans cette ambiance pesante. Je cherchais un sens à ma venue ici, je l'ai trouvé, j'ai trouvé bien plus. Il y a quelques jours, un gars me demandait à une soirée « je ne comprends pas l'intérêt pour une ONG d'envoyer une stagiaire de 20 ans dans un pays dans une telle situation ». Ca m'a fait réfléchir et j'ai été assez surprise de voire que j'avais plein d'arguments pour lui répondre (et me défendre :-P). Mais il faut que je reconnaisse qu'envoyer une stagiaire, qui plus est de mon âge, n'est pas courant. Entrepreneurs du Monde est une ONG atypique, un peu à l'arrache niveau sécurité, mais qui croit à ce qu'elle défend, qui est vraie, qui ne ment pas, qui ne fais pas de chichis. Et surtout elle prend des risques. On est une des seules ONG de petite taille à avoir mis un pied à Cité Soleil. On va monter un projet d'entreprenariat à Camp Corail, là où toutes les ONG sont en train de se défiler devant leurs échecs. Je pourrais vous faire une liste looooongue. Ils ont pris aussi un risque et une responsabilité importante en m'envoyant à Port-au-Prince, tout d'abord parce que je manque d'expérience et ensuite parce qu'on voit tout de suite que je suis jeune et je peux etre potentiellement une cible facile pour les attaques en tout genre. Mais ils m'ont acceptée dans leur équipe comme l'une des leurs, une humanitaire en mission. Comme toute stagiaire, j'ai plus appris que ce que j'ai apporté. C'est ça ce que j'expliquais à monsieur « je-ne-comprends-pas-a-quoi-servent-les-stagiaires »: c'est un investissement pour le futur. C'est une formation. Et toute ONG qui se respecte devrait encourager des stages parce que c'est ça qui permet d'avoir une première expérience dans le domaine, mais surtout d'apprendre pour mieux faire quand on aura des responsabilités. Ca éviterait à des bureaucrates de débarquer sur le terrain à 40 ans en n'ayant jamais rien vu d'autres que Paris...Par ailleurs, EDM m'a laissée une marge de manoeuvre très importante. Loin de « servir les cafés », j'ai pu etre responsable d'un projet de cinéma en plein air, monter et écrire une demande de fonds de 140 000 euros, travailler dans les camps à Cité Soleil, faire des rapports au PNUD, assister à diverses réunions...autant de choses qui m'ont permis de m'épanouir dans ce que j'ai fait ici. Pour cela, je veux remercier EDM pour la confiance qu'ils m'ont faite et l'expérience qu'ils m'ont permi de vivre.
Ces 3 mois ont été très denses, aujourd'hui quand j'en fait le bilan, c'est le mot « difficile » qui me vient en premier à l'esprit. Oui, ça a été difficile, surtout le premier mois. Mais je suis contente d'être restée jusqu'au bout, parce que ce n'est que depuis un mois que je me sens vraiment à l'aise, que je commence à parler créole, que je chantonne le kompa, que ...que j'aime ce pays.
Hier c'était une journée émotionnellement très dense et difficile. J'ai arpenté tous les camps à Cité Soleil. Les haïtiens aiment bien les aurevoirs très démonstratifs et mélodramatiques, ce qui rend la tâche encore plus difficile. A chaque fois que je rentre dans une tente d'animation les enfants disent en choeur « bonjour mademoiselle Violaine », ca me fait sourire. Un groupe d'enfant m'a chanté une chanson, j'ai la vidéo mais elle est trop grosse pour ma connexion, qui faisait « qui peut faire de la voile sans vent, qui peut ramer sans rame, et qui peut laisser un ami sans verser de larme. Adieu, adieu ma chère Violaine, adieu adieu ma chère Violaine, mais comme partir ne signifie pas mourir, nous nous reverrons ». Je luttais pour ne pas fondre en larme. Mais à chaque fois que je quittais un camp, c'était le sourire aux lèvres. On a vu des enfants trop fiers nous montrer leurs créations d'artisanat: macramés, crochet, sacs avec des matières recyclés..., des enfants jouer du tambour avec talent, des chorales se mettre en place dans les cours de chant...les animateurs ont des étoiles dans les yeux, et Johnson et moi ça nous donne des ailes. Je dis toujours « on » pour l'animation, nous étions une belle équipe soudée, que je suis triste de laisser. Mi-Aout, Johnson a l'ambition de réunir les 4 camps pour faire une grande manifestation culturelle avec un spectacle des enfants. Si j'avais de l'argent et aucune conscience écologique, je reprendrai l'avion pour voir ça. Un spectacle comme cela à Cité Soleil, si c'est réussi, c'est quelque chose de grand! Tout ca pour vous dire que l'animation fait vraiment de belles choses, que j'aurais voulu que vous voyiez le sourire de ces enfants. L'arrivée à Haïti a été très difficile pour moi, le départ l'est encore plus.
la team animation: de g. a D. : Johnson, Nadine, moi, Julien
Lorena qui est chargée de la communication à EDM va faire un blog je vous mettrai l'adresse. Je mettrai aussi un post quand j'aurai la réponse UNICEF (patience....).

mardi 20 juillet 2010

Questions d'adoption

En ce moment à la maison nous avons deux amies d'un expat qui sont ici pour faire avancer leurs procédures d'adoption, ce qui m'a permis de connaître un peu mieux ce phénomène. Hier à diner on avait invité un monsieur chargé par le gouvernement de régulariser un peu les choses. Remettons les choses dans leur contexte: très peu d'enfants adoptés en Haïti (il me semble que j'ai entendu 10%) sont orphelins. Pour les autres, les parents biologiques ne veulent pas les garder parce qu'ils n'ont pas les moyens de les élever. Le monsieur disait hier à juste titre que si l'ont ouvrait l'adoption à 10 000 enfants on aurait 10 000 enfants, et que c'est un processus très délicat. En effet, la plupart des parents, outre le fait de souhaiter un avenir meilleur pour leur enfant, comptent aussi parfois sur lui pour les aider financièrement plus tard. Comme je vous l'avais dit, c'est très fréquent quand vous êtes blanc qu'on vous propose un enfant dans la rue, de façon très sérieuse. L'adoption ici est estimée pour coûter en tout (avec les trajets, les démarches...) entre 10 000 et 15 000 euros. Il faut payer un avocat, se loger quand on vient sur place etc. Les enfants en attente d'être adoptés sont mis dans des « crèches ». Il y a des crèches tout à fait respectables et d'autres glauques, où les enfants sont maltraités, il y a même eu le cas d'un crèche repère de pédophiles. Il y a un tableau assez noir sur l'adoption en Haïti (avec une absence totale de l'Etat sur le sujet pour le moment, les crèches ont toutes les cartes en main pour faire ce qu'elles veulent). De l'autre côté, il y a ces parents, ces mères, comme les deux qu'on reçoit ici, qui doivent attendre 1 à 2 ans pour pouvoir emmener leur enfant adoptif en France. Quand elle parlent de leur petit, c'est avec des étoiles dans les yeux, et à la question débile que le juge haïtien leur a posée ,« vous pensez pouvoir aimer un enfant noir? », la réponse ne fait aucun doute. Elles se démènent pour leur enfant, enchaînent les voyages couteux, les démarches à n'en plus finir, les changements de législation après le 12 janvier....sans désespérer.
Alors que penser de l'adoption? Je ne sais pas trop comment me positionner, quand on voit la condition de vie de ces gosses c'est sur qu'on se dit qu'une vie en France est une chance inespérée mais ne vaut-il pas mieux combattre la pauvreté efficacement et de pouvoir leur offrir des conditions de vies décentes dans leur pays? Facile à dire....mais à faire....
Sinon pour vous donner des mes petites nouvelles, mon départ approche (dans 4 jours). Quitter ce pays va être bien plus dur que je ne l'imaginais, j'y reviendrai dans un prochain post.
Pour vous continuer ma saga « eau potable à Radio Commerce », après l'anonce de MSF comme quoi l'eau était potable j'ai fait du lobbying pour qu'on l'utilise. Les gens me disent « Dlo la li pa potabl! » et j'avais beau argumenter que si, rien à faire. Finalement quelqu'un me dit « ok, ou ap goute li » (ok, tu vas la gouter alors (mon créole n'est pas bon m'enfin)). Je ne peux franchement pas dire que je veux pas la goûter je ne peux pas être crédible sinon. J'ai donc pris ma bouteille et devant tous les regards des gens du camp je l'ai remplie et bue. Elle a un sale goût salé-chloré. Après c'était psychologique je me disais « tu vas tomber malade, tu vas tomber malade... « . mais finalement non, je suis en pleine forme et je suis allée le leur montrer donc bon, je vais pouvoir reprendre mon lobbying!
Sinon cela fait une semaine qu'on doit clôturer le projet « Sinema Espawa », le cinéma en plein air. Il pleut tout le temps a chaque fois on doit le reporter j'espère vraiment qu'on pourra le faire avant mon départ, on a prévu des chants, des danse, j'ai fait un diaporama/film (que je vous mettrai en ligne si ma connexion s'y résigne) et on voulait projetter Shrek. Demain si Dieu le veut (expression qui ponctue toutes les fins de phrases ici) !


Concernant le projet UNICEF, cela fait un mois que j'attends une réponse, délai qu'on m'avait annoncé. Hier je les appelle et on me dit que la dame qui est chargée de mon dossier est en vacances jusqu'à mi-aout. Elle a refilé la demande de fonds à une autre fille qui a des piles de dossiers sur son bureau et qui m'a bien fait comprendre que ca allait prendre du temps. Et voilà...je dois expliquer à un comité de quartier super impatient et à des enfants motivés qu'on doit attendre que madame rentre de vacances... et je ne pourrai pas voir le début de ce projet qui me tient quand même énormément à coeur puisqu'avec Julien on a beaucoup travaillé dessus et que je l'ai rédigé avec amour :-S
Alalalalalala...les institutions à administrations tantaculaires, comment voulez-vous que 6 mois après on puisse tirer un bilan positif si il leur faut 3 mois pour accepter une demande de fonds???

vendredi 16 juillet 2010

Ti moun yo

C'est pour eux qu'on continue d'y croire, c'est de leur sourire qu'on tire le notre, c'est nos rayons de soleil

lundi 12 juillet 2010

Bilan des 6 mois II: A quoi sert le journalisme?

J'annonce tout de suite la couleur: je suis E-N-E-R-V-E-E.
Je me suis ruée sur internet pour voir les échos de la presse internationale sur le bilan des 6 mois d'action humanitaire à Haïti. Déjà, pour commencer, peu de médias en parlent. Si vous tapez « Haïti 6 mois » dans google vous avez tous les bilans et cris d'alarmes des ONGs: MDM, ACTED, Care, PLAN... normal, il faut bien continuer à récolter des fonds. Mais dans les médias (hors ONG), c'est juste du grand n'importe quoi. On trouve du « Haïti, 6 mois après: frustration » (Alterpresse), « Haïti, 6 mois après: encore dans les gravats » (France 24), « Haïti, 6 mois après, les ONG disent leur inquiétude » (le nouvel obs), « Six mois après le séisme, la reconstruction d'Haïti tarde toujours » (Le Point), « Haïti 6 mois après le séisme »: tout reste à reconstruire » (France Info), « six mois après le séisme, de conditions de vie épouvantables » (Courrier international).
Tous s'accordent sur le fait que la reconstruction est trop lente et une inquiétude se fait sentir dans TOUS les articles: « les 10 milliards promis par la communauté internationale vont-ils arriver? ». MAIS BORDEL C EST PAS CA LE PROBLEME!!! Déjà les 10 milliards en question sur la partie qui est arrivée une très grande proportion va aller normalement aux ONG dans une désorganisation la plus totale. Mais ensuite pour le moment ce n'est pas vraiment une question d'argent. L'argent il y en a. C'est ce qu'on en fait qui est critique. Et AUCUN article (si quelqu'un en trouve je veux bien!) ne se demande pourquoi avec tant d'argent déjà mis sur la table on a si peu fait. Personne ne 'interroge sur le fait que si on a bien ces 10 milliard, que va-t-on en faire? Y a-t-il quelqu'un à la barre du paquebot haïtien qui va finir en Titanic??? Personne n'évalue le travail des ONG, de l'ONU et du gouvernement. Ca sert à quoi le journalisme???????? Ca m'énerveeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee!  Le Monde est peut-être celui qui a fait le plus d'effort critique: http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/12/haiti-ou-les-limites-de-la-solidarite-internationale_1386804_3232.html mais bon ça reste flou.  Je suis tellement énervée je tourne en rond, je fulmine, je parle toute seule.
Et à côté de toutes ce conneries la réalité terrain est déprimante. Quelque cas concrets qui se sont déroulés aujourd'hui. Premièrement la question de l'eau potable à Radio Commerce. Vous savez quoi? En fait j'ai rencontré MDM qui m'ont dit que MSF et World Vision avaient fait plusieurs tests et que malgré le fait que l'eau était trop chlorée (aquatabs en force!) elle était potable. On m'a dit que les gens ne voulaient pas la boire car ils pensent qu'elle est la cause de leurs maladies (diarrhées etc.). Selon MDM, c'est surtout attribué à l'insalubrité de leurs récipients pour prendre l'eau et à l'hygiène désastreuse sur le camp: il n'y a par exemple pas un seul toilette. Les gens font leurs besoins dans des sacs en plastiques qu'ils jettent un peu partout. J'ai du répéter plusieurs fois « vous êtes surs qu'il n'y a pas UN SEUL toilette? » pour y croire.
Deuxième baffe dans la gueule: a midi j'ai mangé pour la première fois sur le camp. Riz pois-poulet, comme d'hab (j'aime pas le riz pois). J'ai picoré sans trop d'appétit. A peine j'avais reposé mon plat que 4 gosses m'ont sauté dessus pour se battre pour les grains de riz restants et les petits bouts de chair de poulet que je n'avais pas mangé...horrible. Puis une dame est passée avec un bébé dans les bras en me demandant si je voulais pas l'emmener. C'est pas la première fois qu'on me demande ca et les gens ne le disent pas en blaguant, ce qui rend la situation encore plus atroce. Bref.
Sinon aujourd'hui le sous secrétaire général de l'ONU (en dessous de Ban Ki Moon), John Holmes, est venu dans un camp où nous travaillons. Il y avait beaucoup de monde et surtout énormément de casques bleus. C'est un vieux monsieur anglais qui parle bien le français et qui vous pose des questions en faisant semblant que ça l'interesse (« vous avez beaucoup d'enfants? » « Ah ok »). Je vous mettrai des photos.

vendredi 9 juillet 2010

Six months later....


Peut-être que le 12 juillet, le cas d'Haïti aura une petite place dans les médias internationaux. Ce sera le bilan des « 6 mois ».
Je ne suis là que depuis 2 mois et demi et pour moi l'avancement des choses peut se résumer à cette photo. Rappelez-vous, je vous avait fait un article sur ce « camp corail » sorti de nul part. J'y suis retournée avant-hier pour faire des interviews sur la situation des gens. RIEN n'a changé. Au lieu d'utiliser les programmes « cash for work » intelligemment comme en plantant des arbres sur ce terrain blanc et chaud ou en construisant des maisons, une canalisation qui sert à je-ne-sais-quoi à été construite. Les habitants rêvent d'une petite maison en bois. Ils ont entendu parler de maisons en tôles pour eux, en bois, en ciment, en... puis finalement ce ne serait qu'une rumeur, il n'y aurait peut-être plus de maison du tout. Seulement 5000 personnes dans des tentes blanches alignées sur un terrain aride au pied des montagnes en zone innondable loin de la ville, pommé, où les ONG ne savent que faire et finissent par tout laisser tomber (arrêt des distributions de nourriture...). On les avait déplacés dans ce camp en leur disant « vous verrez, ce sera bien ». Hier je parcourais ce camp où l'on se croit en plein désert, où la vie semble s'être arrêtée, où les gens n'ont plus d'espoir, et je me disais que j'aurais du mal à voir du positif dans l'action humanitaire à Port-au-prince.
Si beaucoup de choses n'ont pas changé, comme les gravas qui n'ont pas bougé de place (ou si on les a déplacés c'est pour mieux les entasser sur le terrain voisin), certaines choses ont évolué: la concentration de blancs au mètre carré, de voitures estampillées « UN », les rondes de casques bleus, un chiffre d'affaire en hausse pour les patrons des bars et restos chics, et surtout pour les compagnies d'avion Port-au-prince---> Saint-Domingue...
Port-au-Prince, 6 mois après, je n'y vois qu'une seule chose: l'image de l'échec de la communauté internationale et des ONGs dans l'action de post-urgence. Certes, des choses ont été faites. Mais c'est une goutte d'eau dans un océan. Manque de moyens financiers? Oula certainement pas! Manque de moyens humains? Non plus! Ce n'est que mon avis mais j'y vois une dichotomie: les haïtiens d'un côté, et les blancs riches (oui les nations unies sont TRES riches) de l'autre. L'humanitaire veut imposer son savoir faire occidental. C'est bien dans les jours qui suivent le séisme (médecins, distribution d'eau et de vivres...). Mais là on parle de RECONSTRUCTION. Et reconstruire sans le peuple haïtien c'est une entreprise vouée à l'échec. Les « cluster » onusiens sans un seul haïtien, à débattre de l'Haïti de demain, c'est tout simplement à gerber, et c'est LA la honte de l'humanitaire.
Il n'est pas trop tard pour changer, il reste de l'argent, beaucoup d'argent, et des moyens financiers. J'espère que la presse internationale en ce 12 juillet va tirer la sonnette d'alarme pour nous foutre un gros coup de pied dans le derrière et qu'on arrête nos conneries.
Vous ne serez pas surpris de savoir que Radio commerce n'a toujours pas d'eau potable. Sept fois que j'appelle World Vision et qu'ils me disent « on va y aller, mais ce n'est pas notre faute, de toute façon ». « C'est pas ma faute ». Voilà on en est là. C'est la faute à personne en particulier c'est celle de tout le monde.
Paradoxalement à ce constat d'échec (qui n'est pas une nouveauté dans ce blog puisque je vous gonfle avec ça depuis deux mois), je suis on ne peut plus contente de notre travail d'animation. C'est cool d'être stagiaire parce que je suis une des seules expats à ne pas me faire chier dans le bureau, je suis tous les jours sur le terrain, et c'est là qu'on apprend. On fait vraiment de belles choses. Je ne connais aucune ONG qui fasse de l'animation, surement parce que c'est pas une priorité comparé à l'eau, la nourriture, et l'école (ca peut se comprendre). Mais c'est vraiment quelque chose de très important. Les enfants ont fait une chanson « merci EDM pour apporter la vie dans notre camp ». Oui c'est un petit souffle de vie, de nos tentes sortent des bruits de tambours, de chants, des rires d'enfants. Elles résonnent haut et fort de la culture haïtienne, des racines créoles. Avant de venir ici je voyais l'animation comme quelque chose d'accessoire. On en fait, tant mieux, on en fait pas, tant pis. J'ai changé d'avis.
Je ne dis pas que ce qu'on fait est génial, très loin de là. On travaille avec des bandits, on fait des compromis, on fait des erreurs, il y a du manque de matériel etc. Mais on y croit, on veut faire toujours mieux. Tenez, hier et aujourd'hui c'était la formation des animateurs car on ouvre les animations dans les deux derniers camps à Cité Soleil mercredi prochain. Une dame est venue nous dire qu'elle voudrait enseigner le crochet aux enfants. Un professeur de musique est venu nous dire qu'il voulait partager son savoir du solflège. Et enfin nous avons rencontré un clown qui souhaitait ouvrir des activités cirques. On prend, on prend tout. On est comme des gosses à l'idée de faire de nouvelles choses, on est super enthousiastes, on imagine toujours plus. Bon le seul problème c'est qu'hier je me suis faite rappeler à l'ordre: je pars dans 15j donc il faut que j'arrête de lancer des projets à tout va qu'après on ne pourra plus tenir. Je dois abandonner l'idée de projection de cinéma en plein air à Cité soleil, l'idée de rassembler tous les animateurs de tous les centres pour qu'ils échangent leur savoir-faire... Je suis très contente de rentrer mais en même temps ca fait deux semaines que je m'éclate vraiment dans ce que je fais, que j'ai trouvé un sens à ma présence ici, et je m'entends super bien avec Johson et Julien des animateurs haïtiens avec qui je travaille.
 J'aime cette photo. Je l'ai prise le 12 juillet à la sortie de l'une de nos animations. Les enfants et notre superviseur sont sortis de la tente en chantant et en gambadant, le sourire aux lèvres.

jeudi 1 juillet 2010

Animations à Cité Soleil

Quelques news de mon travail quotidien. En ce moment je bosse avec un animateur haïtien, Johnson, et on met en place des programmes d'animation sur 4 camps d'hébergements à Cité Soleil. Cité Soleil, je vous en ai déjà parlé, c'est un endroit dangeureux. C'est morcelé en camps et depuis le séisme ces camps se multiplient et grossissent. Chaque camp a un ou plusieurs Comité, qui obtient généralement son pouvoir par la force. On a commencé cette semaine avec le camp Radio Commerce. C'est assez glauque comme endroit, pas une seule tente, que des baches et plastiques assemblés pour faire des petites cabanes, un terre gadoueuse, et pas un arbre. J'appréhendais un peu de m'y rendre mais j'ai été très agréablement surprise. Le comité est sympathique et motivé et nos animateurs aussi. Ca n'empeche pas qu'on doit faire très attention, quand je fais des erreurs stratégiques je me fais pourrir par Johnson et j'i plutôt intérêt à retenir la leçon. Je m'y rends presque tous les jours, une fois on m'y a emmenée en moto mais j'étais pas rassurée donc maintenant j'y vais avec un chauffeur en voiture. Je connais tous les animateurs et les personnes du comité ainsi que la plupart des enfants et ils me connaissent aussi, le matin en arrivant on a l'impression de débarquer dans un endroit qui nous est très familier. Il n'y a pas d'ONG là-bas pour les enfants, qui ne vont pas à l'école pour la plupart donc nos animations remportent un très vif succès (qui nous dépasse un peu parfois...). C'est énormément de travail; il faut faire des fiches de postes pour les animateurs, des listes de présence, organiser la distribution des tentes et du matériel (donné il y a quelques mois par l'UNICEF) et gérer toute sortes de problèmes. Le dernier en date: l'eau. Le camp a 3 containers d'eau, aucun n'est potable. Les gens achètent de l'eau « e n  sachet » et pour ceux qui n'en n'ont pas les moyens ils doivent se résoudre à l'eau des containers. Nos activités (surtout le football et la psychomotricité) assoiffent les enfants qui nous réclament de l'eau et vu qu'on n'avait pas anticipé, ils sont allés boire l'eau impropre. Je me suis renseignée sur l'ONG qui gérait ces containers (c'est comme pour chaque chose: dans l'eau il y a des centaines d'ONG, à chacune son camp ou sa zone). On m'a dit que c'était world vision (ONG américaine me semble-t-il) donc je les ai appelés aujourd 'hui. Voilà la conversation:
« - Bonjour
-Bonjour
-Je vous appelle car nous travaillons à Radio Commerce et nous avons un soucis avec l'eau qui n'est pas potable, les enfants la boivent et ça cause des problèmes de santé
- ah bon notre eau n'est pas potable
- non elle ne l'est pas
- C'est surement les transporteurs qui la stockent dans des camions mal entretenus
- Oui mais si World Vision gère l'approvisionnement en eau il faut s'assurer qu'elle est potable
- Oui je suis d'accord. On va vous envoyer un expert pour contrôler cela et traiter l'eau
- Ok merci, Aurevoir
- Aurevoir »
Et voilà. J'ai raccroché complètement ahurrie. Des mois que 5000 personnes vivent sans eau potable et c'est un problème qui se règle en un coup de fil (et ils ne savaient même pas que leur PROPRE eau n'était pas potable!!!!). Ca fait peur non? Ca m'a beaucoup choquée. Moi je m'attendais à des discussions interminables, à des réunions, à des solutions compliquées... Mais là si World Vision tient parole (si ils le font pas je les harcèle), il y a de l'eau potable dans les prochains jours. Il y a des choses comme ça qui me paraissent surnaturelles.
Sinon les animations se déroulent bien, avec Johnson on fait des rondes pour superviser. J'essaie d'être discrète mais quand je m'approche d'une tente d'animation les ptits hurlent « BLANCCCCCCC » et les animateurs leur font dire en choeur « Bonjour mademoiselle Violaine ». Pour la discrétion, raté. Après ils sont déconcentrés et les animateurs sont un peu stressés quand on assiste à leur travail donc je vais réduire mes visites. Le matériel de l'UNICEF est d'une grande qualité mais c'est du matériel d'animation européen, j'ai du expliquer et ré-expliquer comment utiliser avec les 3-6 ans les puzzles cubiques, les marionettes, la pâte à modeler...ce n'est pas des choses qu'ils ont normalement. Les animateurs viennent du camp et ils n'ont pas forcément énormément d'expérience dans l'animation, j'aimerais bien qu'on ait de l'argent pour faire venir des intervenants extérieurs pour les former. Mais bon personne n'a vraiment envie d'aller à Cité Soleil. La semaine prochaine on commence avec le camp Aviation, beaucoup plus grand et complexe. Tout se monnaye et les membres du comité sont tous plus ou moins des bandits (armés). Il n'y a pas de problème majeur de sécurité tant qu'on ne fait aucun faux pas avec le comité. Mais je vais quand même rester un peu en retrait de ce projet et m'occuper plus de la paperasse au bureau (ne serait-ce que pour que ma mère et ma grand-mère puissent dormir la nuit)!
Je vous joint un diaporama de quelques photos des activités.

lundi 28 juin 2010

République Dominicaine

Vendredi dernier j'ai enfin pu décoller (après deux tentatives ratées) dans un petit avion (12 places) de l'ONU direction Saint Domingue avec Manon. Arrivées là-bas, on est comme des gamines surexcitées: c'est propre, il y a de vraies routes, pas de poussière partout, des restos, de quoi faire du shopping...c'est l'euphorie. J'arrive pas vraiment à expliquer mais c'est vraiment passer d'un autre monde à un autre, c'est comme un joli rêve. Je ne vis pas un enfer à Port-au-Prince, mes conditions de logement sont excellentes, mais ca reste une ville très dure à vivre, la preuve, je ne connais aucun humanitaire qui veut prolonger son contrat, tout le monde attend la fin de l'échéance avec un petit « ouf ». Je pense que c'est un très beau pays mais dans les conditions actuelles ce ne sont que des images de désespoir que l'on peut voir quand on parcourre la ville. Et je vous jure que ca fait du bien, même l'instant d'un week-end, de s'en éloigner, de se sentir bien. Après avoir flanné dans la « zona coloniale » de Saint-Domingue on s'est dirigées en direction de la plage touristique la plus proche, « Boca Chica ». C'est la première fois que je me rend dans un pays hispanophone, et ne parlant pas un seul mot d'espagnol, j'ai vraiment galéré. Mais bon j'ai pris « espagnol niveau 0 » l'année prochaine! La plage de Boca Chica est faite de sable blanc et d'eau turquoise. Tout est surfait (rien à voir avec les petites plages typiques et abandonnées des Philippines), et comme c'était la saison basse il y avait limite plus de vendeurs, masseuses etc. que de touristes (pas top pour se reposer). Mais c'était juste parfait pour nous aérer l'esprit.

Je me suis faite tresser la tête et j'ai bien bronzée, je me suis rapprochée du style « dominicaine » (mais d'après les haïtiens je suis trop maigre, ici on aime les femmes avec beaucoup de formes). Il y a énormément d'haïtiens qui travaillent en République Dominicaine car leurs salaires sont sans possible comparaison et la vie est plus facile. Le tourisme rapporte beaucoup d'argent à qui sait s'y prendre.
Ce qui est surprenant c'est qu'au-delà des ignobles couples vieux blanc/maginifique dominicaine (comme aux Philippines), on trouve aussi de vieilles blanches avec des dominicains (on comprend pourquoi^^). La prostitution semble vraiment marcher dans les deux sens (mon petit côté féministe me fait dire que c'est un moindre mal que ces choses se fassent dans les deux sens).
Ce matin, retour à Port-au-prince (toujours dans le petit avion qui m'a fait de belles frayeurs) reposée et remontée à bloc pour le mois à venir. J'aime pas trop l'image des humanitaires qui vont se prendre des vacances à prix d'or à se faire dorer la pillule sur la plage, et j'aime encore moins en avoir fait partie mais il faut avouer que si on ne veut pas finir en dépression totale, il faut prendre le temps de quitter Port-au-prince.

mercredi 23 juin 2010

Déferlante brésilienne


Tandis que les français évitent à tout prix de prononcer le mot « football » ou encore « coupe du monde », à Port-au-prince on ne parle que du Brésil. Je suis assez impressionée de voir à quel point les haïtiens soutiennent une nation qui n'est pas la leur. Les maillots du Brésil se vendent à tous les coins de rue, les avenues principales sont surplombées par des guirlandes de bouteilles en plastiques peintes et jaune et vert Quand le Brésil marque un but les klaxons et hurlements retentissent dans les camps (ou certaines grandes marques ont installé des écrans géants), dans les bureaux, dans les bars, dans la rue...L'animateur avec lequel je travaille, Julien, a même changé son fond d'écran de portable: il est passé de Jésus christ à un joueur brésilien...(la photo à gauche vient d'un journal en ligne haïtien)
Bon, sinon, pour ma petite vie ici, ça va. Ma santé s'est rétablie, l'organisation interne dans l'ONG s'est améliorée avec l'arrivée de renforts et je pars en République Dominicaine ce week-end (si tout se passe bien cette fois...). Je suis seulement un peu déçue car l'UNICEF ne se proncera pas sur le dossier que j'ai monté avec Julien avant un mois...juste quand je pars. Je ne pourrai pas le voir mis en oeuvre. J'aide donc sur un projet d'animation dans des camps à Cité Soleil (la zone la plus dangereuse de PAP) qui commence lundi. C'est les animateurs que j'avais contribué à former donc je les connais c'est cool. Je vais pas trop souvent aller sur le terrain à cause des problèmes de sécurité. Les séances de cinéma se poursuivent, hier on a projeté Kirikou et les bêtes sauvages (le deuxième volet) ,encore sous la pluie, mais on a persévéré!

dimanche 20 juin 2010

Un coup de gueule (et il n'est pas de moi!)

Oui je suis penseur... et agacé par la tournure que prennent les événements ici, et pas seulement sur la question du gaz ! On est en train de mettre en oeuvre tout ce qu'on pouvait craindre de pire, et le pays sortira à peine renforcé de ce qui devait être une chance historique. La mise en oeuvre du plan d'action risque bel et bien de ressembler à une mise en scène cynique et arrogante pour ce peuple qui n'en peut plus. La moitié de l'aide internationale pour la première phase de 18 mois devrait transiter par les ONG, ça nous a été annoncé avant-hier par le responsable du fonds en personne. Quel délire !! Où sera la cohésion entre les acteurs ? Quelle place sera donnée aux haïtiens ? Quelle voix aura le gouvernement ? Quel pourcentage de l'aide bénéficiera in fine aux populations locales ?

Sur les 10 milliards d'aides votées, faisons le pari que 70% au moins partira dans des entreprises occidentales, des salaires d'expat et d'experts, des loyers haut de gamme et des véhicules 4X4...

Le peuple crève à la fois de faim et de notre incapacité à agir intelligemment. Nous étions à Camp Corail hier pour une réunion de planification de nos actions économiques dans ce camp. Il faut imaginer le décor : 1 300 tentes alignées les unes derrière les autres sur un parterre de rocaille au pied fe montagnes dépouillées de tout arbre, des latrines au milieu de tout ça comme seul élément de diversion, une chaleur étouffante bien sur.... 3 fois le coordinateur du camp, un sage américain, qui eut été à la retraite depuis 5 ans au moins s'il était français, a été appelé au secours : les gens du camp n'ont plus rien à manger et se tapent dessus à se blesser grièvement. Il en a vu d'autre, mais là, il n'en peut plus. Rarement je n'ai lu une telle détresse dans les yeux de quelqu'un. J'espère que d'ici un mois, nous y appuierons les premières micro-entreprises, c'est celà dont Haïti a besoin.

Ce matin, Cité Soleil, cette fameuse Cité interdite, simili humains errant sans laisse... Repère de brigands en tous genres... Personne n'y entre, si ce n'est la Minustah pour aller à la pêche aux évadés.... .. Bien sur que beaucoup de ceux qui nous sont tombés dessus ont des choses à se reprocher. Rien qu'entre eux, tout marche au règlement de comptes... est-ce une raison pour ne rien faire dans ce quartier ? Certes, quand on agira dans ce quartier au delà des activités de microcrédit que nous menons déjà, la probabilité d'avoir des ennuis est forte. Et au moindre accroc, on nous traitera d'inconscients... est-ce une raison pour laisser mariner 300 000 personnes dans cet incubateur de misère ?

Le gaz : vous et vos excellentes raisons de ne plus vouloir de ces mini-centres, Sodigaz et ses pistons au plus haut niveau de l'Etat pour pérenniser un système auquel vous ne croyez pas, mais qui l'emportera sur vous si un choix devait être fait entre les deux modes de distribution, parce que "Blan nan tribinal, se ravet cont poul" (un blanc au tribunal, c'est un cafard contre une poule). Que fait-on ? Chacun campe sur ses positions et ce ne sera guère que la nième fois qu'Haïti passe à côté de l'enjeu à mes yeux pratiquement le plus déterminant pour l'avenir du pays ? Ou chacun de vous fait des concessions sans forcément se renier pour aboutir à ce compromis qui permettrait à Total et Sodigaz de ne parler que d'une seule voix et augmenterait les chances de voir ce fameux texte de loi sortir enfin ?

J'entends tout ce que tu dis sur les contraintes d'une distribution par minicentre, mais ces contraintes sont-elles vraiment insurmontables ? Si ta réponse est catégorique et oui à 100 %, alors ça va être difficile effectivement. Si par contre tu penses que c'est insurmontable à 95%, alors jouons à fond ces 5% ! C'est un devoir ! Et compte sur nous pour jouer un rôle de conciliateur s'il le faut !!

Et en attendant, équipons ce camp Corail en GPL sur un mode de distribution classique, avoir une vitrine grandeur nature ne fera que mieux vous servir pour la suite ! C'est 1 300 bouteilles à court terme, 5 000 à moyen terme, et sans doute plusieurs dizaines de mini-distributeurs avec une source de revenus... On s'occupe de tout sur place, vous n'avez qu'à mettre à disposition ces bouteilles à proximité...

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, donc ils le firent". Nous non plus.

mercredi 16 juin 2010

Ca n'arrive pas qu'aux autres.

Si j'ai du mal à écrire ce post, c'est aussi parce que j'ai du mal à réaliser ce qu'il s'est passé.
Notre admin (ma colloc) a pris un taxi ce matin pour se rendre au bureau car elle n'avait pas pu partir avec nous en voiture elle avait des choses à finir à la maison.Elle prend un taxi, indique son chemin puis le taxi s'engage dans d'autres rues. Deux hommes sont à l'avant. Elle objecte. Le passager sort une arme à feu et lui demande de se taire. Plus loin dans le bas de la ville ils la font descendre, la menacent de la violer et de la tuer. Elle tente une discussion, comme quoi la tuer n'attiserait que leurs ennuis. Finalement ils la laissent partir en courant et emportent avec eux toutes ses affaires, son sac avec ordi, ses papiers, les sous et toutes les pièces comptables de tous les projets qu'elle devait emmener au bureau. Apparemment ils auraient retrouvé son ordinateur mais pour le moment j'en sais pas plus.
Je critique depuis le début ces ONG qui ont des règles de sécurité R-I-D-I-C-U-L-E-S mais je vous ai aussi dit que la mienne était dans l'autre extrême. Aucun extrême n'est bon, en voici la preuve. Quand j'y repense, oui le taxi ca craint, c'est pas des voitures identifiées, elles ont juste un ruban rouge, chacun peut s'improviser chauffeur de taxi. Et leurs voitures sont vraiment cabossées, sans vitres et les portes ferment à peine. Mais ce qui me fait froid dans le dos c'est qu'hier j'ai pris 3 taxis. Seule. Et que ca ne m'a pas dérangée un seul instant.
On va installer de nouvelles règles sécu, comme toutes les ONG qui ont des ennuis de ce genre. Donc plus de taxi. Je ne me suis jamais sentie vraiment en insécurité (sauf un peu quand on n'avait pas de gardien), je ne vis pas dans un traumatisme constant mais j'avoue que là ça me fait réfléchir et je me dis « et si c'était moi? »

lundi 14 juin 2010

"Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien." Voltaire


En sortant de notre super journée de vendredi dernier, j'ai dit à Manon en blaguant « le destin veut vraiment pas qu'on aille en Republique Dominicaine ». Effectivement quelque chose de bien plus sympathique m'était réservé.
Vendredi soir je suis pliée de douleur, des crampes au ventre à plus savoir quoi faire. Samedi mes collocs, inquiets, appellent un médecin de chez MDM qui m'envoie faire des analyses. Dimanche, toujours clouée au lit en me tortillant sur place (super quand il fait une chaleur impossible et qu'on a pas de ventilo!), la médecin de MDM (on dit « la »?) vient me voir, elle est en colère, c'est son jour de repos et elle est débordée, elle n'a pas de temps pour moi. Je me sens coupable de la faire déplacer. Ici, quand t'es malade, t'embête tout le monde et en plus d'être mal t'as un sentiment de culpabilité qui ne te lâche pas. Elle me diagnostique une « infection urinaire qui est montée dans les reins » (quel programme!), me donne des antibios et me dit d'aller voir un spécialiste pour faire plus d'analyses car ca pourrait être plus grave (parce qu'il y a des protéines dans mes analyses là où il devrait pas y en avoir). Le problème c'est qu'elle n'a pas laissé le nom de ce docteur et qu'on n'a pas osé la rappeler tellement elle était en colère. Du coup ce matin j'ai attéri chez un médecin haïtien dans une clinique assez classe. La médecin était complètement surexcitée, parlait très vite, m'a gardée en tout et pout tout 10 min (elle m'a appuyé un grand coup sur le ventre, j'ai hurlé elle a dit « ah oui ca fait mal » et c'est tout), ça m'a coûté 40 euros et elle m'a renvoyé faire des analyses (résultat des courses: j'ai un bleu dans chaque bras et j'ai encore eu le droit de pisser dans un pot :-S). Bref, tout ça pour dire qu'il vaut mieux pas tomber malade ici! Si mes résultats d'analyses ne sont pas bons je vais devoir aller voir un néphrologue (ou un truc du genre), avec un peu de chance je vais même peut-être finir dans un hopital en République dominicaine^^.
Bon assez raconté mes petits malheurs insignifiants. J'ai quand même pu finir de travailler le budget UNICEF avec le boss, et j'ai envoyé le dossier complet, il n'y a plus qu'à attendre et à croiser les doigts (m'enfin c'est un projet à 140 000 euros je suis pas sure qu'ils signent ça aussi facilement).
Hier on avait invité le Haut responsable de la sécurité MINUSTAH (ou quelque chose dans le genre) à diner, notre directeur avait cuisiné des tomates farcies sans farce (on reçoit l'ambassadeur le 21 juin, on va trouver un cuisinier peut-être...). J'avais pris pleins de médicaments donc j'étais un peu réveillée, et la conversation était intéressante. Encore un qui a un regard très dur sur l'ONU et ses 10 milliards de dollars dont plus de la moitié (voir les ¾!) partent en fais d'administration et de salaires ENORMES des expat's. Et qui s'insurge sur le fait qu'aucun média (sauf apparemment une émission de zone interdite sur M6 il y a deux mois) ne critique l'action des Nations Unies. Bref je vous écrirai un article pour faire un état des choses une prochaine fois!

vendredi 11 juin 2010

Le jour où j'ai failli aller en République Dominicaine

Comme je vous le disais dans le post d'hier, on nous avait appelées pour annuler le vol de notre voyage en République Dominicaine (voyage qu'on avait au passage prévu depuis presqu un mois et qu'on attendait avec impatience). Ce matin à 8h Manon (l'admin.) ouvre ces mails et voilà ce qu'elle trouve : «  veuillez être à la log base à 7h45 pour votre vol ». En fait c'était une erreur de on-sait-pas-qui, on était bien enregistrées et on avait bien notre vol. La dame nous dit qu'il reste deux vols dans la journée et qu'on peut être sur liste d'attente, si deux des 12 passagers ne viennent pas on peut monter. On se rend donc là-bas en vitesse. Je vous ai mis une petite photo pour que vous puissiez vous moquer de moi^^ Oui je me suis bien trimballée toute la journée à l'ONU en pure touriste. Le second vol de la journée est complet, tant pis, on a de l'espoir pour celui de 15h30. On va manger à la cafétéria de la log base où tout est excessivement cher mais on trouve des frites et des hamburgers (et où les gens sont captivés par le foot). On mange à côté du directeur sécurité du FMI. On l'avait déjà rencontré une fois au supermarché il m'avait énervée car il faisait faire les courses à son chauffeur comme si il ne pouvait pas les faire lui-même. A table, il a commencé à avoir des propos très durs sur les délinquants en Haïti. Puis en apprenant qu'on avait le droit de conduire et que notre gardien n'était pas armé (on lui a pas dit qu'on en avait un que depuis une semaine) il a dit « mais c'est des criminels votre ONG, vous allez vous faire violer et après vous viendrez pleurer ». Et il s'empresse d'ajouter à mon égard « pour le salaire ridicule que tu gagnes (400 euros par mois), tu veux vraiment foutre ta vie en l'air comme ca? ». J'ai avalé mes frites, j'avais envie de l'étrangler. J'allais exploser quand une petite voix dans ma tête m'a dit que je fait partie d'une ONG que donc je représente, je ne peux pas me permettre ce que je veux. Je ne veux pas vous faire croire que tout n'est que cliché mais bon....un gros, vieux, qui a pris deux énormmmessss plats pour en laisser les ¾, qui vit à Philadelphie parce que c'est « in », qui est marié à une thaïlandaise (j'ai pas demandé l'âge...), qui parle d'Haïti comme si il y avait toujours vécu, et quand vous lui demandez un endroit sympa pour aller en week-end il vous répond « ah il y a un hôtel pas trop cher à 110 $ la nuit »....moi ça m'énerve. Petite parenthèse sur les salaires de ces messieurs: 6000 euros....par semaine est un salaire convenable à l'ONU.... (c'est celui que deux personnes consultantes pour l'ONU m'ont dit mais ce n'est pas celui des directeurs et tout le tralala...je préfère ne pas imaginer! J'ai avalé mon hamburger ric-rac pour ne plus l'entendre parler du bourbier haïtien qu'il faut mater. On est donc allées attendre le dernier avion, on avait des chances car ils ont même enregistré nos numéros de passeports. Puis à 4h, ils nous disent que ce n'est finalement pas possible. Je ne vais pas me plaindre parce que ca fait réaction de petite bourgeoise mais bon....avoir passé la journée à attendre pour rien...Pour finir la journée je voulais aller visiter un prototype de maison de la croix rouge internationale car on m'y avait invitée. Mais notre chauffeur s'est trompé de chemin et on a passé des heures dans les bouchons. Bref.
Hier, une fille qui est arrivée pour 1 an à EDM me demandait « Tu n'as pas envie de rester plus que 3 mois, ca fait court non? ». J'ai hésité à lui dire la vérité car elle venait d'arriver la pauvre. Je lui ai finalement dit que je partais dans 34 jours et que ca m'allait très bien. Je ne lui ai pas ajouté que la chose qui me fait sourire le matin (et mon moment préféré) c'est de prendre mon cachet de Nivaquine (anti-palud) car chaque jour c'est un cachet de moins et quand je finis une plaquette ca me met de bonne humeur pour la journée. Paradoxalement, je ne regrette pas ne seconde d'être venue ici, si c'était à refaire je le referai, j'apprends beaucoup. Mais je me sens très seule. Heureusement tous les jours je lis les emails qu'on m'envoie et c'est un gros rayon de soleil!

jeudi 10 juin 2010

Soupe à la grimace!


La séance cinéma « spécial rire » a enfin pu avoir lieu, sous un beau ciel étoilé.
Tom et Jerry a eu un succès fou, et ce qui m'a surprise c'est que les adultes étaient complètement passionés et surexcités en regardant ça. J'appréhendais un peu plus Charlot car ils ne connaissaient pas puis quand ils ont vu le vieux truc en noir et blanc ça a sifflé mais finalement les enfants ont bien accroché. Les diapos des grimaces (que je vous met ici, enfin une partie du moins) ont déchaîné les gens. Bref, une bonne soirée de passée.
Je suis très déçue car je devais partir avec l'admin. en République Dominicaine demain matin avec le vol de la MINUSTAH mais ils nous ont appelé aujourd'hui pour dire qu'ils annulaient car il y avait une évacuation de militaires du coup l'avion est plein. Ca faisait longtemps que j'attendais ce week-end! Tant pis. On a plein de nouveaux venus (4! et lundi deux de plus) et du coup j'ai récolté le Monde, Elle, the economist, marie-claire...tout ce que j'aime quoi! Il y aussi plein de chocolat.
Hier la réunion « shelter cluster » c'était à gerber, c'est que des blancs, tout se fait en anglais (la personne avec qui j'étais s'est énervée car elle ne parle pas anglais et on est dans un pays francophone), puis c'était de la masturbation intellectuelle (désolée de l'expression), c'est comment refaire le monde sans rien faire de concret, comment se prendre la tête sur des trucs stupides. Chacun défend son petit machin. Comme par exemple Handicap International qui s'insurge que les maisons contruites sont pas aux normes handicapées....bon....ok. Je comprends que ce soit important mais dans l'urgence actuelle et vu le nombre de fauteuils roulant à PAP c'est peut-être pas le sujet number one. Bon, enfin bref, c'était assez ridicule comme réunion avec tous ces (gros) blancs qui parlent l'anglais en machant leurchewing-gum bien fort (non ce n'est pas qu'un cliché). Mais au moins maintenant je suis (oui MOI :-D) sur la mailing list du cluster logement (cluster= regroupement pour un volet) et ce matin par exemple une ONG proposait des moustiquaires et des boîtes d'outils aux membres de la mailing list. Moi je prend tout ce qu'on propose^^

mardi 8 juin 2010

Dix "bizarreries" de Port-au-Prince

Je vous parle de l'humanitaire, de ses joies mais surtout de ses déboires. Je vous parle de mon moral, de ma petite vie. Je vous parle de l'ONU, du projet UNICEF, du cinéma en plein air...Mais je ne vous parle pas vraiment de Port-au-prince (outre que c'est un tas de gravas géant). Donc, pour me rattraper, je vais faire un post sur les originalités (bizarreries?) de cette ville:
1)La plupart des feux rouges marchent au solaire. Donc quand il pleut...tout est permis!
2)A partir de midi, quand on croise les gens il faut dire « bonsoir »
3)Les taxi n'ont pas, comme dans tous les autres pays, d'écriteau avec marqué « taxi ». C'est des petites voitures complètement miteuses avec un ruban rouge accroché à l'intérieur, il faut savoir les repérer (cf photo).
4)Les poubelles n'existent pas (bon ca c'est commun à pas mal de pays vous me direz)
5)La spécialité, qu'on nous sert tous les midis, c'est le « riz pois ». Un riz pâteux avec des haricots rouges (après un mois de mal au ventre après chaque déjeune, je m'emmène mes plats le midi... )
6)Les enfants portent tous un uniforme d'école et des trucs très kitchs dans les cheveux (en bleu, rouge, blanc...toutes les variantes de couleur).
7)En parlant de kitch, le record philippin est battu pour les jeepneys (ici appelée « tap-tap»). Vous en jugerez par vous-même d'après les photos!
8)Il ne faut pas demander de glace à la coco (ou du lait de coco, ou même une coco). « Coco » étant l'organe de reproduction féminin, la serveuse prendra un air outré.
9)Lady Gaga? Black Eyed Peas? Personne ne connaît. Ici les stars c'est Cabrel, Aznavour et Salvador. Et ce n'est pas une blague (je vous le dit car j'ai commencé à mettre « I gotta feeling » au bureau et on m'a dit « tu n'as pas de la bonne musique, comme « Je l'aime à mourir? » »). Je leur ai mis « on ira tous au paradis » de Polnareff, ils ne connaissaient pas mais m'ont dit que c'était top. Radio « Nostalgie »? Vous avez un marché à ouvrir en Haïti!
10)Les gens vous appellent « Blanc », ils crient ça à l'autre bout de la rue pour vous interpeler. Mais ne vous avisez pas de répondre « oui, Noir? »
Et j'en passe!
Sinon on a des nouveaux venus cette semaine. Demain le directeur d'EDM arrive pour deux semaines ainsi que deux expat's pour travailler sur le développement du gaz pour remplacer le charbon (et d'autres choses comme la spiruline, l'énergie solaire etc.). Aujourd'hui un administrateur général est arrivé avec des TONNES de fromages, des produits à moustiques, des magazines... :-D
La semaine prochaine le coordinateur général arrive. C'est bien joli tout ca mais on a une voiture pour tout le monde, une connexion internet et tout le monde n'aura pas de lit...(mais moi je garde le mien y'a pas moyen!!!). Ca va être un peu spécial comme ambiance parce que c'est des personnalités fortes qui ne s'entendent pas spécialement. Bon puis je me sens encore plus gamine car personne a moins de 30 ans mais bon. Ils m'appellent la « teenage » ou la « p'tiote ». C'est pas grave, je mange mon Nutella à 10 euros le pot (oui oui c'est bien ce prix là), j'écoute Lady Gaga, je dévore Marie-Claire et je regarde « How I met your mother » avant de dormir. J'assume!
Demain je vais au « shelter cluster » un regroupement de toutes les ONG concernées par le logement. Oui, j'ai été mauvaise langue quand je disais qu'il n'y avait pas de coordination générale. En fait il y a un site internet « One Response » (allez voir) avec tous les volets et des réunions pour chaque partie. On devait avoir une architecte pour s'occuper des logements à construire mais elle nous a lâché 6 jours avant d'arriver. Donc bon j'y vais pour prendre des renseignements (puis il faut toujours que je trouve une âme charitable pour nous offrir 50 tentes car nos staffs dorment sous des bâches pour la grande majorité). Bon ce site « one response » peut paraître génial, idéal etc. mais ca n'empêche pas chaque ONG d'en faire qu'à sa tête et beaucoup de gens se plaignent de cette tendance à la « réunionite ». Je vous dirai!
Sinon en ce moment j'ai TROP le blues des Philippines, les Sciences Po de la promo suivante qui vont à Manille sont partis aujourd'hui, j'ai eu un gros coup de Nostalgie, je me suis sentie aigrie et jalouse de me dire « ils vont vivre l'une des plus belles années de leur vie et toi elle est derrière toi » (mais j'ai bien dit « une des plus belles »....il y en aura plein d'autres hein!). Je leur souhaite une belle aventure, et d'aimer ce pays comme je l'ai aimé. Ignat!

samedi 5 juin 2010

Fet pour Ti Moun (fête pour les enfants)


Hier la séance de cinéma n'a pas pu avoir lieu car il y a eu des rafales de vent et on a du tout remballer. J'étais déçue mais le technicien a laissé les baffes pour la musique et le micro. Plein de jeunes ont débarqué et ont fait du slam, c'était très sympa.
Cet après-midi se déroulait la grande fête de clôture du programme Cash For Work (assainissement animation) à Carrefour-Feuilles, projet porté par EDM et financé par le PNUD. On nous avait dit que ça commençait à 14h mais bon...heure haïtienne ça a finalement commencé à 16h30... Du coup les représentants du PNUD n'ont pas vu grand chose car ils devaient partir à 17h. Mais c'était vraiment super: théâtre, danse, chant, tambour. Les enfants étaient très contents et il y avait beaucoup de monde. Mon moment préféré? Le défilé et la danse des mamies!
Ils ont appelé Manon, nos animateurs EDM et moi sur scène, j'avais honte car je ne suis toujours pas capable de parler créole. J'étais un peu impressionnée car comme vous pouvez le voir sur la photo il y avait du monde (oui je suis sur scène et je prends quand même une photo!).



La musique est toujours très entraînante, le Kompa est la musique star d'Haïti, avec son style « caliente » et sa bonne humeur. En ce moment j'ai toujours cette chanson de loveur qui passe à la radio: http://www.youtube.com/watch?v=0W70ZWsyHo8&feature=related
Je vais l'apprendre pour éviter de chanter en yaourt!
J'ai presque terminé le dossier de demande de fonds UNICEF, le président d'EDM m'a dit qu'elle était bien, ca m'a fait plaisir parce que je l'ai faite avec amour!
Mon moral n'est pas pour autant très bon mais je prends sur moi. Il y a des renforts qui arrivent la semaine prochaine et on aura bientôt un coordinateur général, ceci devrait permettre une meilleure organisation.

mercredi 2 juin 2010

Non, tout ne va pas "bien".

J'annonce tout de suite la couleur, j'ai un peu (beaucoup) bu donc ce post risque d'être cahotique.
Cela fait une semaine que je n'ai pas écrit. J'ai reçu des mails disant « on dirait que tout va mieux » car mes derniers posts étaient optimistes. Je tiens à dire quelque chose: tout va pire. Si je n'ai pas écrit c'est que mon moral est descendu tellement bas que je n'avait même plus la force de raconter, que les dysfonctionnements sont tellement grands que même dans mes mails quotidiens à ma famille je n'ai pu les raconter. L'administratrice expat est malade. Elle va surement partir bientôt. Donc pour résumer il ne reste que le directeur du programme microfinance et moi sur le programme post-urgence en terme d'expat. Or, ici, le blanc est perçu (et c'est souvent le cas en vrai) comme celui qui dirige. Donc au bureau on vient me demander tout et n'importe quoi, et je ne peux PAS gérer (pour faire une anecdote, aujourd'hui il n'y avait plus de PQ dans les toilettes et c'est moi qui ai dut gérer cette "crise". c'est ca à longueur de journée). Aujourd'hui j'ai frolé la crise de nerfs. Ceux qui me connaissent bien savent que je reste calme jusqu'à un moment où je vais péter complètement les plombs de façon insensée et soudaine. Et bien c'est arrivée ce soir. Je ne vais pas vous décrire les dysfonctionnements internes dramatiques qu'on subit mais en gros on est sous pression face à un paiement de 1170 personnes dans le quartier le plus chaud de Port au Prince pour lequel on a bientôt une semaine de retard faute d'organisation (et une semaine de retard pour des gars qui ont l'arme facile...). Je ne suis pas sur ce programme mais l'admin étant au lit et personne pour la remplacer j'ai fait de mon mieux. Seulement c'est aujourd'hui que j'ai compris le conseil que la psy m'avait donné avant de partir en dépression « si tu veux tenir, occupe toi de tes affaires, et seulement de tes affaires ». Je ne peux PAS gérer ca, je ne suis pas qualifiée pour ça, et le gouffre est si grand qu'à 100 on le résoudrai pas. Voilà. Il m'a fallu en arriver là pour comprendre. J'ai explosé ce soir. J'ai eu envie de hurler, de frapper, de pleurer et de monter dans l'avion. Au final j'ai juste gueulé. Fort. Très fort. Puis je m'en suis voulue. Puis voilà. Ce soir on avait invité nos voisins Médecins Du Monde. Autant vous dire que si j'ai pu vous en raconter des belles sur MSF, autant nos voisins MDM sont géniaux. Ca m'a calmée, apaisée, de voir des gens, de discuter. Je reste uniquement pour ma demande UNICEF, à laquelle je tiens énormément. On a travaillé comme des dingues avec l'animateur haïtien, c'est un beau projet, on partait dans nos délire. On veut mettre en place un journal local fait par des enfants, des formations pour les jeunes (ébénisterie, couture, artisanat, éléctricité) , des activités pour le 3-6 ans, du théâtre pour les ados, du chant, de la danse, du solfège... c'est un projet énorme, mais l'enjeu est de taille. S'il n'y avait pas ca et mon cinéma je ne serais plus là. En parlant de cinéma on a programmé une séance « rire » qui aura lieu ce vendredi. J'ai pris des tonnes de photos d'enfants faisant la grimace (vous aurez le droit à une avant-première), et j'ai milité pour passer un tom-tom et nana (entre un tom et jerry; un charlot et un popeye) :-D.
J'ai aussi eu peur. Et j'ai toujours peur. Que ca fasse rire beaucoup de monde ici je m'en FOUS. Voilà on s'est fait braquer une voiture devant chez nous. Batterie et radio volées, vitre cassée. On n'a pas de gardien et le portail est ridicule. Ma chambre n'a pas de vitre, seulement une moustiquaire et je n'ai pas de porte, juste un rideau. Et entre la porte d'entrée et mon rideau il y a 2 mètres. Les deux autres dorment à l'étage. Donc, j'avais peur. J'ai pas dormi de la nuit et on m'a dit « mais ca arrive en France aussi des braquages de voiture » Oui mais si ca m'arrive en France je serai pas rassurée non plus. Ce soir MDM ils sont venus chez nous avec des talkies walkies (ils habitent à 20 mètres) et ils avaient pas le droit de faire les 20 mètres pour rentrer chez eux seuls. Ils doivent informer leurs gardes par talkies de TOUS leurs déplacements et ils ont plus de 5 gardiens. Voilà. Il y a deux extrêmes. Et j'ai pas honte de dire que j'ai eu peur. J'ai fait tellement de pressions qu'on a eu un gardien hier. Mais ce soir, personne à nouveau. 
Ce post pour dire que non, tout n'est pas rose. Et que non, je ne suis pas sure de rester jusqu'au 24 juillet (je compte les jours qui me séparent de cette libération) et que non je ne veux pas abandonner lachement le programme que j'ai commencé à mener donc que oui, je vais me reprendre en main. Les haïtiens sont géniaux mais l'humanitaire c'est pas génial. Il faut accepter tellement de choses humainement pas acceptables pour tenir bon ici. Si vous saviez. Je vais suivre le conseil de la psy. Occupe toi de tes programmes. Tant pis si le reste ressemble à Titanic. A partir de maintenant je les regarde couler. Paisiblement. Oui c'est pitoyable. Bienvenue dans l'humanitaire!

vendredi 28 mai 2010



Notre séance de cinéma sur les mamans c'était que du bonheur. Les gens commencent à me connaître et vice-versa, et j'adore cette communauté, elle est si chaleureuse. Il y avait énormément de monde. On avait installé des bâches et tout un attirail anti-pluie....et bien sur pas une goutte...Je vous met le diaporama des photos que j'ai prises. Ils étaient surexcités de se voir à l'écran. Jeudi prochain on va faire une séance sur le thème du rire avec des épisodes de Charlot, des Tom et Jerry et d'autres petits dessins animés. Je vais faire un diapo photo pour arrière-plan en attendant que la nuit tombe, je vais demander aux enfants de me faire leur plus belle grimace.
Hier mon rendez-vous chez l'UNICEF a été très productif. La femme que j'ai rencontré (une espagnole) est géniale, elle était très emballée. Alors pour faire court, avec les 3 animateurs haïtiens avec qui je travaille, on va se lancer dans un MEGA projet avec l'UNICEF. Je suis aussi excitée que terrorisée. Je suis en train de remplir les formulaires etc, c'est un peu long. En gros on veut poursuivre les animations qui étaient mises en place pour 3 mois financées par le PNUD qui ne refinancera certainement pas. L'UNICEF veut bien nous financer mais ils préfèrent qu'on inclue un volet formation des jeunes. Du coup on est en train de se lancer dans un gros projet qui toucherait les enfants de 3 à 22 ans. De 16 à 22 ans les jeunes auront la possibilité de s'inscrire dans des formations (artisanat, couture, électricité, on est en train d'en discuter). Pour les plus jeunes il y aura de la danse, peinture, sport, théâtre, musique...C'est compliqué à mettre en place mais si on y arrive on a peut-être une chance d'être financé par l'UNICEF car « l'argent ne manque, c'est les bons projets qui font la différence » (dixit la dame que j'ai rencontré). Je n'ai jamais fait de « proposal » (demande de fonds) mais j'apprends et je demande conseil. J'ai des réunions pour décider des budgets et des activités qu'on va choisir. Je suis très enthousiaste d'autant plus que la communauté est très motivée elle aussi et que nos animations avaient remporté un franc succès, et surtout ont permis aux jeunes de faire connaissance (après le séisme, beaucoup ont changé de logement et de quartier). Avant la séance de cinéma, lorsqu'on installait le matériel, les enfants de 4 à 18 ans se sont mis ensembles (une quarantaine d'enfants) et ont commencé à jouer à des jeux. Les plus grands aidaient les petits. C'était très émouvant, tout le monde participait. Julien, l'animateur, m'a dit que cela n'existait pas avant. On travaille énormément (j'ai travaillé 12 heures aujourd'hui) mais des moments comme cela, ça n'a pas de prix.

mardi 25 mai 2010

Les journées sont longues, et de plus en plus remplies. Arrivée au bureau à 8h et c'est rare d'en partir avant 18h. En ce moment j'ai beaucoup de travail, pour vous donner quelques exemples je fais un recensement des situations de logement de nos staffs pour ensuite chercher un bailleurs pour nous donner des tentes, je fais des inventaires de matériel, des interviews pour le siège d'EDM, je vais être chargée du rapport de fin d'activité et de la nouvelles demande de fonds au PNUD, et j'ai pleins de petites tâches qui me sont confiées par les uns ou les autres. Ca me plaît bien car comme ça je vois plusieurs aspects de l'action d'urgence. Ce matin par exemple je suis allée à SOS children's village, un village pour enfants orphelins (de 150 enfants avant le séisme ils sont maintenant plus de 400) où les enfants sont dans des conditions vraiment bonnes: une école, des maisons de 8 enfants avec une "mère" qui la gère et leur fait la cuisine, des salles de jeux, des animations etc. Bref, j'y suis allée parce que Franck voulait que j'aille y rencontrer l'américain qui a fait construire des maisons en polypropylène pour loger les enfants récemment arrivés. C'était intéressant leurs constructions se ont pas franchement belles mais bien pensées. 
Sinon je prépare aussi la séance de cinéma de jeudi soir, spéciale fête des mères où on passera deux court métrages haïtiens et on fera plusieurs animations sur le thème des mamans. J'ai passé l'après-midi à crapahuter dans les hauteurs de Carrefour Feuilles (là où nous faisons les séances) afin de prendre des photos des mamans et de leurs enfants pour faire un diaporama. C'était sympa, j'avais un petit groupe d'enfants qui me suivait partout (à noter que si aux Philippines j'étais "Ate Jo", ici c'est "mademoiselle violaine". Ca me fait rire. La seule chose avec laquelle j'ai du mal c'est que les haïtiens, quand ils vous voient, ils crient toujours "blanc, blanc!!". C'est leur façon d'attirer l'attention et de vous saluer, quand j'entends ca je sais que c'est pour moi mais c'est assez embarrassant. 
Jeudi j'ai mon premier rendez-vous à la log base avec l'UNICEF (là où il y a l'ONU) pour un projet dont je suis moi-même chargée (je vous en parlerai quand ça avancera...), je suis impressionnée mais contente!
Sinon dans le genre information d'utilité nulle (mais que j'aime partager quand même!), j'ai changé de chambre, fini les souris et les bêbêtes en tout genre au sous-sol, et bonjour la super chambre lumineuse et spacieuse :-D J'ai même pu accrocher toutes mes photos de vous.
Je termine ce post pas tellement intéressant par une photo que j'ai prise aujourd'hui et que j'aime beaucoup, cette petite a un caractère bien à elle mais elle est trop chou.

dimanche 23 mai 2010

Cinéma en plein air...sous la pluie


15h30, j'attends l'animateur haïtien qui travaille avec moi sur le projet du cinéma. La psy (dsl de l'appeler toujours « la psy » mais j'ai pas eu l'autorisation de mettre les prénoms sur ce blog) voulait lui parler en tête-à-tête avant car ces temps-ci il est souvent absent, compte toutes ses heures, et n'est franchement pas concentré dans son travail. J'entends des cris dans le bureau, ça part en insultes et finalement l'animateur me dit que c'est hors de question qu'il vienne avec moi. Je me retrouve seule au volant du 4*4 pour aller chercher l'ingénieur du matériel de ciné. Miraculeusement je trouve mon chemin sans encombres et on monte dans les hauteurs de Port-au-Prince par de petites rues pour aller à Carrefour feuilles (là ou nous faisons les projections). Le ciel est menaçant mais on essaie de ne pas trop y prêter attention. L'installation se fait devant la curiosité des enfants venus observer cet étrange écran gonflable. Puis la nuit tombe, et Kirikou entre en scène. Les enfants sont fascinés...trop beau pour être vrai! « Dame pluie » ,comme certains l'appellent, fait une entrée fracassante. On s'attendait à ce que tout le monde rentre se mettre à l'abri sous leurs tôles car les haïtiens craignent beaucoup la pluie. Mais que neni, les enfants se pressent tous sous le petit auvent de l'ingénieur. Je sors une bâche et je m'y installe avec quelques enfants. Un petit me dit qu'il a les fesses trempés, il vient s'asseoir sur mes genoux. On a l'air fins à 10 sous notre petite bâche comme des clandestins. Qu'importe, mon petit gars me donne le sourire. Il est a fond: « ahhh c'est Karaba la sorcière:!!! » « noooon attention Kirikouuuuuu » « je suis sur que Kirikou va gagner » etc. Fin du film, les enfants nous demandent tous à quand la prochaine projection. Jeudi prochain normalement. On démonte le matériel sous la pluie torrentielle. Petite frayeur pour redescendre le 4*4 dans les petites ruelles très très très pentues, glissantes et pleines de gravas.
Bref, première séance pleine de rebondissement mais quel bonheur de voir l'enthousiasme de la population. Notre carburant, ca reste le sourire de ces enfants.
Sinon aujourd'hui dimanche à la maison car je suis un peu malade. Cette semaine, on va essayer de sortir pour se « sociabiliser » car à 3 dans la maison on va exploser. Mais la sociabilisation dans le milieu humanitaire c'est pas mon truc, j'enchaîne les boulettes. Dernière en date : un gars qui me paraissait être un gros dragueur vient me dire « on ne s'est pas rencontrés à l'OIM par hasard? » Il ne me dit rien du tout et j'en viens à la conclusion que c'est juste un moyen d'aborder les filles et de leur demander un truc aussi banal que « on s'est pas vu à la log base? » (là ou il y a l'OIM, et où tout le monde va un jour ou l'autre). Je l'envoie bouler en disant sèchement que j'y suis jamais allée. Puis j'entends que Manon (ma colloc' et l'admin « cash for work ») discute avec lui. Elle vient me voir et me dit « tu te rappelles on l'a vu à l'OIM? » « Ce gars il est super bien placé, c'est avec lui que tu dois voir pour obtenir les tentes (les tentes que je veux avoir pour notre staff qui pour la majorité dort dehors) ». OoOoOoOps.... Voilà il faut toujours être aimable et gentille avec les gens car ici c'est un tout petit monde malsain et tout marche par réseau. Si tu avoir une chance de te faire soigner il est indispensable d'avoir un contact à MSF. Si tu veux des tentes, un contact à l'OIM. Si tu veux que quelqu'un paie ta rançon quand tu te feras enlever, un contact à l'ambassade....etc!

vendredi 21 mai 2010


J'avais bien la pêche pour faire un post teinté d'optimisme et de bonne humeur. Et tout d'un coup lors que je me met à écrire le ciel nous tombe sur la tête. Rafales de vents a faire plier les arbres et l'eau qui ne s'arrête pas de tomber en trombes. Ces jours-ci il pleut le soir, une à deux heures tous les soirs. La majorité de gens ont leurs tentes complètement inondées et doivent dormir les pieds dans l'eau en attendant le soleil du lendemain. Et à chaque fois qu'il pleut ca me fait vraiment mal au coeur. Je n'arrive pas à bien décrire les choses, mais Port-au-prince est un ensemble de tentes. Même les gens dont les maisons ne sont pas tombées dorment dehors par peur. Il n'y a que les blancs qui dorment au sec.
Mais je vais quand même vous raconter ma (bonne!) journée en croisant les doigts pour que l'eau arrête de tomber. Hier et aujourd'hui nous avions des formations pour les animateurs qu'on pense embaucher. Hier je n'étais pas trop à l'aise mais aujourd'hui je me suis lâchée :-D On était pas beaucoup car la psy avait des choses a régler avant son départ. Quand j'ai vu arriver les participants (sur les deux jours, environ 50 participants) je n'étais pas rassurée. C'était que des gars costauds. Remettons les choses dans leur contexte: ces animateurs viennent de Cité Soleil, on est une des seules ONG assez kamikaze pour accepter de mener des « cash for work » (programmes en assainissement et animation post-urgence pour que les gens travaillent contre un salaire) à Cité Soleil. C'est un immense bidonville pas tellement dévasté par le séisme mais ca reste l'endroit le plus dangereux de Port-au-prince (et même du Monde, dans la série favellas au Mexique, Soweto en Afrique du Sud...). C'est bien simple, on voit qu'on arrive dans Cité Soleil quand les maison ressemblent à celle sur la photo, c'est-à-dire criblées de balles. Je vous passe les détails (disons qu'avant le séisme la situation s'était améliorée en termes de sécurité et après le 12 janvier, toutes les prisons se sont effondrées...donc les bandits ont retrouvé leur business!).
Je devais mener des activités de lecture, écriture et relaxation (là je suis rodée car avec tous les cours de sophro que j'ai suivi...) pour ces animateurs. J'avais pour consigne de FERMER ma gueule si il y en a qui ne respectaient pas les règles etc. Ne jamais monter en violence. Mais j'ai eu une super surprise. Ils ont été tout simplement géniaux, c'est des artistes au talent fou, poésie, théâtre, danse, ils sont impressionnants, j'en perdais mes mots. Les activités de relaxation se sont parfaitement déroulées, ils comprenaient tous mon français et se sont montrés très intéressés. Ils vont être payés 3 euros par jour pendant 3 mois dans le cadre du programme, c'est 3 fois rien vu leur expérience mais ils sont obligés d'accepter de telles conditions. Théâtres, crèches, cinémas, salles de danse etc. se sont effondrés, plus personne n'a de boulot. Et même les profs de foot n'en ont pas car il ne reste pas 10m² à port au prince qui ne soient recouverts de tentes. Mais malgré cela ils gardent la pêche. Ils racontent en poésie leur histoire, le séisme, et l'avenir avec une beauté et une force qui vous font chavirer. Je vais essayer de vous récupérer quelques textes!
Bon ca n'a pas non plus été un long fleuve tranquille ces formations, pleins de pépins et je suis exténuée, mais contente. C'est enrichissant car ils n'ont pas les mêmes techniques d'animation que nous, c'est un apprentissage réciproque.
Demain soir commence le théâtre en plein air. Je flippe car tout n'est pas prêt. Et surtout que l'animateur haïtien qui bosse avec moi là-dessus m'a bien fait comprendre que comme c'était un samedi, c'était franchement pas sur qu'il vienne... je vous raconte cela demain hein!
Ps: il pleut encore plus maintenant.

mercredi 19 mai 2010

« Qu'importe le malheur si nous sommes malheureux ensembles » proverbe indien.

La psy a craqué. Ce matin elle nous a annoncé qu'elle part lundi. Définitivement. Elle est à la tête d'un programme énorme, on n'est déjà que 4 expats en tout et pour tout alors ca va être l'enfer. Ce départ est pour moi l'occasion de vous faire part de cet aspect des choses: la dépression ou crise de nerfs est très fréquente dans le milieu humanitaire. Et pas seulement chez les urgentistes qui voient des corps déchiquetés. C'est le malheur des un qui fait le malheur des autres. Ou plutôt non. C'est l'incapacité de sortir les autres de leur malheur qui vous entraîne dans la même spirale. Les humanitaires sont stressés, overbookés, travaillent sous pression, sont loin de tout. Et surtout, je crois qu'ils doutent. Tout le monde ici est d'accord pour dire que c'est dur, certains disent que c'est la situation la plus dure qu'ils ont vécue. Pourquoi? Parce que c'est une cacophonie générale, et le travail humanitaire est mal fait. Il faut arrêter de se faire croire qu'on sauve les haïtiens. Non, c'est MAL FAIT. Ce matin dans Le Nouvelliste, le journal national, un économiste haïtien titrait « pour la survie de l'économie haïtienne, espérons que l'ONU ne tienne pas ses promesses. Les 10 milliards de dollars tueront notre économie ». Il fustigeait les ONG qui envoient leurs bureaucrates qui n'ont jamais vu Haïti sur le terrain donner des choses qui ne sont pas adaptées. Comme ces bouteilles d'eau distribuées en masse alors qu'il y a de l'eau, il faut seulement la traiter (et maintenant il y a encore plus de déchets plastiques). Comme toutes ces personnes qui n'étaient pas affectées par le séisme et qui se retrouvent aujourd'hui à sec car leur business ne marche plus, elles veulent vendre, et les blancs donnent (sur 4 interviews que j'ai faites, 2 femmes étaient dans ce cas là). Les ONG elles-mêmes reconnaissent l'impasse dans laquelle elle sont. L'article était très bien écrit (à l'occasion je vous le scannerai), et surtout tellement vrai.
Ce que j'aime dans la microfinance c'est que justement, c'est les haïtiens qui décident ce dont eux ont besoin. Et en prêtant de l'argent, on leur permet de redémarrer leur activité économique. C'est dans cette optique là que l'aide internationale est, à mon goût, justifiée. Mais la perfusion humanitaire actuelle est en train de paralyser le pays. Ce matin j'étais en route pour le camp de base de l'ONU, sur tous les murs on pouvait lire « Aba ONG, volè » (a bas les ONG, voleurs).
La photo que je vous ai mise a été prise sur le site http://heartofhaiti.wordpress.com/2010/04/10/graffiti-in-port-au-prince/, allez jeter un coup d'oeil c'est pas mal fait (moi en voiture j'ai du mal à prendre des photos).
Pour "Titid" (Aristide), je vous ferai un topo politique (attention ca risque d'être pas bien joli joli) dès que j'aurai bien tout pijé (parce que chacun a sa version des choses ici).
On est passé devant l'aéroport, des cargaisons de blancs arrivent tous les jours. « Bientôt il y aura plus de blancs que d'haïtien » a blagué notre chauffeur.
Je lutte contre mon pessimisme, contre ma désillusion, contre la colère qui gronde en moi et qui croit de jour en jour. Je retiens cette envie d'hurler, de pleurer, de tout plaquer.
Le départ de la psy annonce des moments durs, mais au moins je ne serai plus oisive, là pour le coup j'ai énormément de travail. J'ai même gagné une nouvelle chambre (oui, je sais, c'est égoïste de se réjouir de ça). Les formations des animateurs commencent demain, et samedi c'est la grande première du cinéma ambulant, le projet dont je suis chargée. Je veux avoir le plus possible de travail pour arrêter d'avoir le temps de penser et réfléchir. Je sais, c'est con.

ps: ce matin on avait rendez-vous avec un militaire français pour parler de notre "protocole sécu" (je précise: c'est à chaque ONG de décider de son protocole et de se faire des petits contacts chez les gens utiles, genre MSF quoi). Verdict: on est à un "niveau de sécurité zéro". Quand je lui ai dit que je ne onnaissais pas mon groupe sanguin ni mon numéro de sécu, ni les numéros de mes assurances rapatriement j'ai cru qu'il allait faire un arrêt cardiaque..Non on a pas de couvre feu, non on n'a pas de gardien devant la maison (ou on est 4), non on n'a pas toujours un chauffeur. On va faire des efforts de sécu (je vais apprendre mon groupe sanguin) mais faut pas non plus délirer...